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[Rediff] Emmanuel Macron : “La boussole de notre action publique sera la proximité”

Le besoin d’une action publique “beaucoup plus proche des citoyens” : dans cet entretien exclusif, réalisé en partenariat avec le Cercle de la réforme de l’État, Emmanuel Macron détaille ses priorités en matière d’action publique s’il est réélu. Il promet notamment un nouveau contrat social entre État et agents publics, une refonte des rémunérations de ces derniers, un renforcement des services déconcentrés et une “plus grande confiance” accordée aux collectivités locales. Et souhaite “changer de méthode” en associant les Français aux chantiers de transformation de l’action publique.

Emmanuel Macron lors de son meeting, le 2 avril, à La Défense.

Quelle devrait être, pour vous, la place de la puissance publique par rapport aux autres acteurs dans la société ?
Notre État doit faire davantage confiance à la société. Cela commence par les relations entre l’administration et les citoyens : c’est le sens des transformations que j’ai engagées depuis cinq ans, et en particulier de la loi Essoc [la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, ndlr], qui a créé un “droit à l’erreur” pour les usagers du service public. Mais plus largement, c’est toute notre vision de la puissance publique qui doit évoluer pour faire de la place aux initiatives des citoyens, des entreprises, du tissu associatif. J’ai porté cette vision à l’occasion du grand débat national et de la Convention citoyenne pour le climat, qui s’est traduite par la loi Climat et Résilience. Je souhaite aller plus loin encore, et changer de méthode pour lancer, en associant tous les Français, 3 grands chantiers sur l’école, la santé et les institutions. Des conférences regroupant toutes les parties prenantes, usagers, professionnels, élus et citoyens, seront lancées pour définir ensemble les leviers pour parvenir aux objectifs que nous nous fixons.

Il y un besoin d’avoir une action publique beaucoup plus proche des citoyens, avec des administrations et des agents sur le terrain et dans les services déconcentrés.

La crise a renforcé l’État comme acteur central de la puissance publique. Pour vous, est-ce une parenthèse ou en ferez-vous un axe durable ?
Au-delà même de l’État, c’est la puissance publique au sens large, avec les collectivités locales, avec la force du couple préfet-maire, qui sort renforcée de la crise. Il existe plus que jamais des attentes très fortes et un attachement très important à nos services publics. J’en tire en particulier deux leçons : d’abord, le besoin d’avoir une action publique beaucoup plus proche des citoyens, avec des administrations et des agents sur le terrain et dans les services déconcentrés. C’est aussi une condition pour être plus réactifs, plus pertinents. Ensuite, nous devons avancer vers une nouvelle forme d’action publique, qui différencie les réponses mais aussi les organisations en fonction des territoires.

Pour vous, que devrait être la réforme de l’État ? Parmi les réformes souhaitables dans l’État, lesquelles mèneriez-vous en priorité au cours des cinq prochaines années ?
Dans les cinq années à venir, la boussole de notre action publique sera la proximité. Tout d’abord, cela devra s’incarner par la proximité des agents publics redéployés dans les territoires ruraux comme urbains. Moins d’agents dans les administrations centrales, et plus dans les services déconcentrés, au plus près des Français : je pense que c’est une règle de bon fonctionnement. Ensuite, c’est aussi la proximité des services publics, que nous devons continuer à rendre plus accessibles et d’une qualité encore meilleure avec les maisons France services, proximité, enfin, des communes et intercommunalités, à qui nous devons donner plus de moyens et de missions. Cette proximité amènera plus de simplicité, d’efficacité, de rapidité. Nous devons nous concentrer sur les résultats de l’action publique vus par les citoyens et les usagers. Si nous avons fait de nombreux progrès ces dernières années, je souhaite aller encore plus loin. C’est pourquoi nous conduirons notamment une transformation profonde de nos administrations en versant automatiquement les aides (prime d’activité, allocations familiales, APL, RSA) à ceux qui y ont droit, pour éviter le non-recours et la fraude. Ce sera la solidarité à la source, après le prélèvement à la source.

Le fonctionnement et l’action de l’État demeurent trop complexes, trop lents, parfois loin des préoccupations du quotidien.

Comment feriez-vous pour concevoir les réformes à réaliser dans l’État (recours à des experts, “comitologie”, consultation citoyenne, consultation des agents publics…) ? 
Nous devrons continuer à associer les citoyens, les entreprises, les associations, tout le tissu social lié à la conception des politiques publiques, comme nous l’avons fait dès le début du quinquennat avec la loi Pacte [la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, ndlr] par exemple, et ensuite avec la loi Climat et Résilience issue de la convention citoyenne. Mais la consultation en amont ne suffira pas : avant que chaque réforme majeure soit lancée, ses modalités seront discutées avec les citoyens et les usagers des services publics. Là est la clé d’une réforme réussie afin de faciliter sa mise en œuvre, et nous assurer de sa réussite.

À quelles attentes actuelles des citoyens l’État doit-il répondre prioritairement ?
Pour beaucoup de nos concitoyens, le fonctionnement et l’action de l’État demeurent trop complexes, trop lents, parfois loin des préoccupations du quotidien. Nous devons donc poursuivre ce mouvement de simplification et de plus grande proximité : disposer d’un service public à moins de 30 minutes de son domicile avec des agents polyvalents, capables de renseigner les usagers sur toutes les démarches ; avoir un numéro de téléphone unique du service public pour répondre à toutes les questions et accompagner sur toutes les démarches et les difficultés rencontrées ; s’engager sur des délais de réponse courts. 

Que feriez-vous pour que l’État soit à même de conduire les grandes transitions ?
Pour réussir la transition écologique, pour refonder notre école, pour adapter notre société au vieillissement de la population, nous avons besoin de mobiliser toutes les énergies, de l’État, des collectivités locales aux associations, en passant par les acteurs privés. C’est la méthode des grands “chantiers” que je souhaite porter.

Il faut permettre aux services de l’État, collectivités locales et opérateurs de faire évoluer leur organisation comme ils le souhaitent, au plus près des réalités locales.

Comment ferez-vous pour concilier l’aspiration à la différenciation territoriale et l’impératif d’égalité et d’équité ? 
Je crois que nos concitoyens attendent des résultats rapides, concrets, adaptés à leur situation et à leur territoire. Pour cela, il faut donc permettre aux services de l’État, collectivités locales et opérateurs de faire évoluer leur organisation comme ils le souhaitent, au plus près des réalités locales. Je porterai la mise en œuvre du droit à la différenciation, qui permettra à chaque territoire de revenir sur les organisations territoriales établies s’il le souhaite.

Comment faut-il, selon vous, réarticuler les politiques territoriales ? Y a-t-il lieu de modifier les compétences ? Si oui, dans quels domaines, selon quels principes de décentralisation ?
Le débat français sur la décentralisation me paraît souvent mal posé, voire caricatural. L’attente de nos concitoyens porte plutôt sur l’efficacité, la lisibilité de l’action publique que sur le nombre d’échelons et l’organisation administrative, et donc sur la capacité à décider au plus proche du terrain. L’enjeu, c’est la proximité et c’est cet objectif qui doit guider notre réflexion et les réformes que nous avons à conduire. C’est à cette aune que je souhaite rapprocher les grandes régions des bassins de vie, rapprocher le département et la région pour une plus grande simplicité et territorialisation de nos politiques publiques. Cela passe aussi par une plus grande confiance – plus de missions et plus de moyens – accordée aux communes et intercommunalités, qui accompagnent les citoyens au quotidien et qui pourraient prendre en charge complètement la politique du logement, qui constitue une préoccupation majeure du quotidien.

Renforcer les effectifs des services déconcentrés, développer, là où elles manquent, de nouvelles sous-préfectures pour retrouver ce lien direct entre l’État et les citoyens.

Pour ce qui concerne les services de l’État lui-même, apporteriez-vous des changements aux caractéristiques actuelles de la déconcentration ? Aux relations entre autorités déconcentrées et collectivités territoriales ? À la liaison avec les territoires, aux modes de relations et de fonctionnement entre État et territoires ?
Toujours dans un objectif de plus grande proximité, j’ai souhaité donner une nouvelle impulsion à la déconcentration, c’est-à-dire renforcer la capacité d’action de l’État au plus près du terrain : en inversant la tendance des vingt dernières années, qui consistait à réduire systématiquement les effectifs du niveau départemental ; en donnant plus de moyens et de souplesse de gestion aux préfets et en leur permettant de prendre 95 % des décisions administratives sans en référer au niveau central. Nous devons aller plus loin et poursuivre ce mouvement qui redonne du sens et de la cohérence à l’action de l’État en faisant du préfet le chef d’orchestre de tous les services de l’État dans les départements, en renforçant les effectifs des services déconcentrés, en développant, là où elles manquent, de nouvelles sous-préfectures pour retrouver ce lien direct entre l’État et les citoyens. Enfin, nous poursuivons le mouvement de déconcentration enclenché pour faire déménager des services administratifs depuis Paris et la région parisienne vers des villes, que ce soient des métropoles, des villes moyennes ou des petites villes de province. Beaucoup d’élus y sont prêts, nous aussi.

Que feriez-vous pour améliorer la capacité d’anticipation et de prospective de l’État pour prévenir les crises sociales, sanitaires et écologiques notamment, et y faire face ?
Les crises que nous traversons montrent que plus que jamais, nous avons besoin d’inscrire l’action de l’État dans le temps long – c’est le sens de l’horizon que j’ai donné à notre politique de transformation industrielle, technologique et écologique avec France 2030. Nous devrons adopter cette méthode dans tous les domaines.

Nous devons continuer le travail de réduction, de simplification de nos lois et règlements.

Que ferez-vous pour assurer la proximité des services publics pour leurs usagers, et dans leur diversité ?
Nous savons que dans certaines situations, les usagers sont face à des blocages administratifs qui peuvent être particulièrement douloureux ou injustes, du fait de cas très spécifiques. Je développerai les médiateurs des usagers du service public, qui pourront jouer un rôle de protection des usagers qui se trouvent dans ces situations, afin de les accompagner et de régler les cas les plus complexes.

Peut-on produire la norme différemment : le triptyque gouvernement-Conseil d’État-Parlement fonctionne-t-il correctement ? 
Avant de vouloir produire autrement de la norme, nous devons continuer ce travail de réduction, de simplification de nos lois et règlements. La complexité administrative reste un obstacle à l’exercice des droits, en particulier par les citoyens les moins bien armés, et représente un coût sur le plan économique pour nos entreprises.

Face à une société et des entreprises qui réclament autant de la norme qu’elles la rejettent, que feriez-vous pour la simplification et pour que celle-ci ne demeure pas ponctuelle ? 
Pour réduire durablement le stock de normes complexes, nous devons avoir une approche globale et très ambitieuse : limiter les textes de loi les plus importants aux objectifs à atteindre et renvoyer les outils et conditions de mise en œuvre aux textes réglementaires, qui seront drastiquement simplifiés dès la première année. Je souhaite ainsi qu’en début de mandature, un travail important de simplification des normes existantes soit engagé en commençant par un travail de déclassement des normes qui sont aujourd’hui inscrites dans la loi alors qu’elles relèvent du pouvoir réglementaire et en engageant sur cette base un travail de fond de révision et de simplification de nos textes par les administrations. 

C’est un changement culturel important mais cela requiert aussi un immense travail de concordance des bases de données, de rapprochement des systèmes d’information, etc. Cette réforme sera un accélérateur pour la transformation numérique de l’État !

Doit-on aller plus loin dans la numérisation des services publics ? Faut-il donner la priorité à l’humanisation et comment ?
Numérisation et humanisation doivent nécessairement aller de pair. Pouvoir accéder à des services numériques simples et de qualité reste une attente des Français. Mais dans le même temps, toutes les démarches dématérialisées, au bénéfice de nos concitoyens familiers du numérique, devront aussi être réalisables dans les accueils des services publics – que ce soit en préfecture, à la CAF ou auprès de maisons France services – et par téléphone. C’est cet “aller vers” auquel nous sommes si attachés, le service public du dernier kilomètre et même du dernier mètre, qu’il s’agisse d’un écran ou d’un contact de proximité.
Cela se matérialisera par un grand chantier d’automatisation des aides : pour simplifier les démarches, parfois répétitives et inutiles, pour lutter contre le non-recours, pour faire gagner du temps aux usagers et aux agents, nous ferons en sorte que les citoyens qui ont le droit à certaines aides puissent les recevoir automatiquement. C’est un changement culturel important, mais cela requiert aussi un immense travail de concordance des bases de données, de rapprochement des systèmes d’information, etc. Cette réforme sera un accélérateur pour la transformation numérique de l’État ! Il faudra bien sûr, sans relâche, amplifier l’effort pour connecter nos concitoyens les plus éloignés du numérique : achever la couverture en fibre de l’ensemble du territoire ; accompagner directement ceux qui sont les plus éloignés des usages numériques par la médiation numérique, grâce aux conseillers numériques France services.

La décision publique est de plus en plus contestée et incomprise. Que ferez-vous pour inverser la tendance ?
La manière la plus simple de redonner de la force à la décision publique, c’est de lui redonner de la légitimité et de la clarté. Il faut pour cela adopter un principe de responsabilité fort, ce qui implique, je crois, de sortir de cet enchevêtrement de compétences, partagées parfois entre quatre niveaux de collectivités, qui perd nos concitoyens. C’est le sens de la réforme territoriale que je souhaite engager en rapprochant régions et départements. C’est aussi pour cela que je souhaite que nous posions le principe d’une plus grande responsabilité dans la conduite de nos politiques publiques. À titre d’illustration, il faut sortir de l’enchevêtrement et de l’illisibilité de la politique du logement et donner plus clairement des responsabilités aux intercommunalités.   

L’enjeu pour les prochaines années est tout d’abord de faire vivre le dialogue social dans ce cadre, et en particulier en plus grande proximité.

Faut-il revoir le temps de travail des agents publics ?
La loi de transformation de la fonction publique a déjà prévu que le temps de travail des agents publics soit harmonisé avec le privé, à 1607 heures. C’est une mesure d’équité. Après une longue période de concertation avec les partenaires sociaux, à laquelle j’étais attaché, l’obligation est effective depuis le 1er janvier 2022. Certains métiers, compte tenu des spécificités des services publics, pourront cependant avoir un temps de travail adapté. En parallèle, le gouvernement s’engage à faire respecter strictement la loi en matière de paiement des heures supplémentaires et de temps de pause pour les agents de première ligne les plus sollicités.

Les syndicats ont perdu beaucoup de leur influence. Le dialogue social doit-il entrer dans une relation essentiellement directe entre employeurs et agents publics ?
La loi de transformation de la fonction publique adoptée en 2019 a fait profondément évoluer le dialogue social au sein de la fonction publique autour de 3 vecteurs : le conseil commun de la fonction publique ; les lignes directrices de gestion ; l’extension du champ de la négociation collective y compris dans la proximité. L’enjeu pour les prochaines années est tout d’abord de faire vivre le dialogue social dans ce cadre, et en particulier en plus grande proximité, de façon déconcentrée, sur les questions d’organisation et de conditions de travail. Au niveau national, des chantiers importants devront être portés à la discussion avec les organisations syndicales. Je pense notamment au chantier des rémunérations et de l’attractivité de la fonction publique, ainsi qu’à celui de l’accompagnement de l’évolution des compétences des métiers des agents publics.

Voulez-vous modifier l’équilibre actuel entre fonctionnaires et contractuels ? Quantitativement ? Quant aux responsabilités ? Quant aux expertises ? Dans quels domaines ? La dualisation de la fonction publique (statut-contrat) constitue-t-elle un modèle probant sur le long terme ou induit-elle un modèle à plusieurs vitesses ?
Je ne crois pas qu’il faille opposer contractuels et fonctionnaires. La crise sanitaire a rappelé que tous ont été et sont au rendez-vous, peu importe leur situation juridique. Elle a aussi montré que l’heure n’est pas à la suppression du statut de la fonction publique, qui n’a d’ailleurs pas changé la donne dans les pays qui l’ont mise en œuvre. Il nous faut en revanche continuer à donner de la souplesse de gestion pour les agents comme pour les encadrants. Plus largement, je crois que nous devons développer toutes les voies d’entrée et d’accès au service public, en valorisant l’apprentissage, par exemple, qui pourrait constituer une voie alternative au concours pour intégrer certains métiers du service public, mais aussi la validation de l’expérience pour offrir des parcours moins cloisonnés et plus diversifiés. Je l’ai fait avec la réforme de la haute fonction publique, cette philosophie de l’ouverture doit irriguer l’ensemble de la fonction publique.

Un nouveau contrat social doit refonder la relation entre l’État et ses agents.

Quels seront vos axes majeurs pour améliorer la confiance entre l’État employeur et ses agents et que ferez-vous concrètement ? 
Un nouveau contrat social doit refonder la relation entre l’État et ses agents, dans la continuité des récentes avancées sociales. Je pense naturellement à la protection sociale complémentaire ou au renforcement de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La confiance passe nécessairement, d’abord, par une meilleure reconnaissance des agents publics. Nous devons leur offrir des carrières plus ouvertes, qui ne sont pas définies par le seul diplôme initial ; il nous faut ainsi mieux reconnaître et rémunérer l’engagement collectif et individuel ; il nous faut enfin renforcer les compétences par une formation tout au long de la vie.

Sur le sujet de la réforme de la haute fonction publique qui a été engagée, quelles seront vos orientations et les étapes que vous voudrez franchir rapidement ? Plus globalement, que ferez-vous en matière de gestion des ressources humaines pour la haute fonction publique ?
La création de l’Institut national du service public, qui remplace l’ENA, ainsi que l’ouverture des classes “Talents” partout sur le territoire pour faire en sorte que la haute fonction publique soit plus à l’image de notre société, marquent une rupture importante. Nous devons aller plus loin dans ce mouvement et offrir des parcours attractifs et diversifiés. C’est le sens de la création du corps unique des administrateurs de l’État pour limiter les cloisonnements, ainsi que de la création de la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese). Au-delà de l’État, nous devons mieux faire travailler ensemble tous les acteurs publics et pour cela rapprocher les trois fonctions publiques. 

Nous engagerons avec les partenaires sociaux une refonte du système peu lisible, difficilement compréhensible et parfois inéquitable des rémunérations.

Quelles mesures prendrez-vous pour rehausser l’attractivité des trois fonctions publiques ?
Rendre attractives les trois fonctions publiques, c’est d’abord redonner de la fierté et valoriser le sens des métiers des agents publics. Une fonction publique attractive, cela se traduit aussi par des carrières plus ouvertes, moins cadrées par les rigidités du statut. Une prise en compte plus forte de la performance, des réussites collectives et du mérite des agents dans la rémunération constitue un puissant levier de motivation.
Afin de rehausser l’attractivité des trois fonctions publiques, nous proposons d’agir sur la progression de carrière et les rémunérations, fondées davantage sur l’évaluation professionnelle, les compétences acquises et sur la transparence. Nous engagerons avec les partenaires sociaux une refonte du système peu lisible, difficilement compréhensible et parfois inéquitable des rémunérations : clarifier le double volet indiciaire-indemnitaire, mieux prendre en compte l’enjeu de la performance collective, mieux soutenir la mobilité géographique des agents dans les territoires où la vie est chère…

Compte tenu des contraintes budgétaires des prochaines années, dans quel cadrage budgétaire inscririez-vous le rôle de l’État et sa réforme ?
L’État doit retrouver des marges de manœuvre pour améliorer la situation des finances publiques, pour pouvoir intervenir demain et, en réalité, pour maîtriser notre destin. C’est ce qui a été fait de 2017 à 2019, en limitant le déficit public aux 3 % de PIB prévus par les traités européens, niveau qui était dépassé depuis plus de dix ans. Les règles budgétaires européennes doivent nous inciter à réduire nos déficits permanents par une maîtrise des dépenses publiques. C’est une ancre pour éviter la dérive des dépenses publiques, mais ce n’est pas une fin en soi. Ces règles européennes ne sont d’ailleurs pas intangibles et pourraient évoluer à l’aune des crises que nous traversons. Parallèlement, nous devons saisir les opportunités pour investir dans l’avenir et moderniser notre économie. C’est pour cette raison que j’ai choisi un grand plan d’investissement pour construire la France de 2030, avec un retour à un déficit inférieur à 3 % d’ici 2027.

Imposer un rabot budgétaire, supprimant les dépenses de manière indifférenciée, qu’elles soient performantes ou non, serait contre-productif.

Comment jugez-vous le niveau actuel de la dépense publique par rapport au PIB ? 
Le niveau actuel des dépenses publiques répond aux besoins des Françaises et des Français face à une des plus grandes crises que nous connaissons depuis un demi-siècle, pour relancer l’économie et pour accompagner les ménages les plus fragiles. Les résultats sont là, avec une croissance en 2021 de 7 %, la plus forte depuis cinquante-deux ans et la plus dynamique d’Europe. Les administrations publiques doivent se fixer un objectif de dépenses publiques, pour permettre un retour à la normale avec un rythme résolu mais raisonnable. Maîtriser ses dépenses, c’est avoir la volonté de modérer leur hausse et non de s’inscrire dans une politique d’austérité. Imposer un rabot budgétaire, supprimant les dépenses de manière indifférenciée, qu’elles soient performantes ou non, serait contre-productif. Chaque administration doit au contraire être responsabilisée pour sélectionner les dépenses inefficaces et les réformes structurelles doivent être poursuivies.

Que prévoyez-vous pour la gestion de l’endettement de l’État ?
L’endettement de la France doit être maîtrisé pour préserver sa crédibilité auprès de ses financeurs et sa capacité d’agir demain. C’est aussi une question d’équité intergénérationnelle. Pour ces raisons, notre cadre de gouvernance des finances publiques a été modifié et un débat au Parlement sur la dette publique a été institué. Le remboursement de la dette, issue de la crise sanitaire, s’effectuera sans hausse d’impôts, grâce à la croissance et aux recettes supplémentaires que celle-ci générera.

Qu’est pour vous la performance publique ? Modifieriez-vous la manière dont elle est appréhendée et mesurée dans la procédure budgétaire et celle dont les administrations doivent en rendre compte (programmes et rapports annuels de performance) ? La mesure de la performance doit-elle être budgétaire ou centrée sur l’usager ?
Notre boussole collective doit être l’efficacité des politiques publiques, c’est-à-dire leur capacité à répondre aux besoins des citoyens, et cela au plus près de leur vie quotidienne. Avec la création du “Baromètre de l’action publique”, tous les Français sont désormais en situation de connaître l’avancée des grandes réformes du gouvernement dans leur territoire. Je souhaite aller plus loin et poser les résultats de l’action publique au centre du débat. Il faut d’ailleurs moins d’indicateurs et de rapports, et les concentrer sur les résultats concrets ressentis dans le quotidien des citoyens.
 

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Club des acteurs publics

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