LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE

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Pour répondre aux fortes attentes d’une société en mutation, pour assurer les conditions d’une croissance durable dans un environnement très concurrentiel, pour défendre et adapter un modèle social, socle du pacte républicain et possible rempart contre les conséquences de la crise financière mondiale, les organisations publiques se doivent d’être performantes. Les équipes Secteur Public d'EY ont pour ambition d’accompagner les administrations vers davantage d’efficacité, de performance et de transparence.

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L’effort de guerre des administrations : les premières leçons du coronavirus sur l’action publique

Dans cette situation d’exception, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence sanitaire et a utilisé à plusieurs reprises l’expression de “guerre” contre le virus Covid-19. Le parallèle avec les conflits mondiaux a été rapidement fait et il implique à chaque fois un “effort de guerre”, c’est-à-dire la mobilisation de toutes les ressources du pays et de l’appareil administratif et économique du pays au service des objectifs de sortie de crise.
C’est bien d’un effort humain massif qu’il s’agit aujourd’hui, à l’inverse de la crise financière de 2008. 

Sur le front, une partie des Français est totalement mobilisée pour faire face au virus : les personnels hospitaliers, les médecins de ville et l’ensemble des auxiliaires de santé, ainsi que les réservistes et les personnels du ministère de la Santé. En deuxième ligne, les administrations sont très fortement mobilisées pour répondre aux enjeux de la crise : les forces de sécurité pour faire respecter l’ordre public ; les ministères économiques et financiers pour mettre en œuvre les mécanismes de sauvegarde et d’indemnisation et, plus globalement, le plan d’urgence de 45 milliards d’euros ; et l’ensemble des administrations qui sont en contact avec les professionnels et les citoyens en difficulté, le ministère du Travail pour déployer le système de chômage partiel ou celui des Affaires étrangères pour organiser le rapatriement de milliers de Français de par le monde. Une partie des agents publics est elle aussi en activité plus limitée, à l’image du secteur privé, puisqu’on évoque un tiers de la population active en télétravail, un tiers qui poursuit son activité sur le terrain et un tiers en chômage technique. Dans ce cadre, de nombreux acteurs privés contribuent aussi à l’effort collectif, tant dans le domaine médical que dans les domaines qui garantissent la logistique et la distribution agroalimentaires.

L’effort de guerre des administrations met en lumière l’exceptionnelle capacité des administrations françaises à faire face à des crises de grande ampleur et à gérer dans l’urgence des situations de confinement, de réorganisation massive des services et de mobilisation nationale. L’administration française n’est jamais aussi forte que lorsqu’une situation exceptionnelle apparaît et nécessite la diligence des services publics et leur capacité à faire fonctionner les rouages administratifs (organisation du confinement, accueil des personnels soignants, mise en place rapide du chômage partiel…). Elle nécessitera bien sûr, dans un deuxième temps, de réévaluer les plans de continuité de l’activité et les niveaux de stocks stratégiques de produits de santé nécessaires pour lutter contre une épidémie, mais ces difficultés ne remettent pas en cause ce qui a été réalisé en aussi peu de temps.

La situation actuelle montre aussi, de manière paradoxale, la capacité des administrations à inventer rapidement dans la crise des solutions simples, centrées sur les usagers, agiles et faciles à mettre en œuvre. Les initiatives se multiplient, tel l’appel à projets de 10 millions d’euros du ministère de la Défense, de même que les plates-formes de dépôt de dossiers administratifs, telle l’aide de 1 500 euros pour les très petites entreprises, qui ont connu une baisse 50 % de leur chiffre d’affaires, ou la garantie de prêt des entreprises par la banque publique d’investissement, BPIFrance, qui s’appuie sur un simple numéro d’identifiant (attestation-pge.bpifrance.fr) pour déclencher une garantie dont le montant global pourra atteindre 300 milliards d’euros, soit 15 % du PIB. Cette simplicité relativise les efforts si importants et douloureux pour dématérialiser ou simplifier les processus administratifs existants et plaide pour leur réinvention complète, fondée sur un nouvel état d’esprit qui permettra de redéfinir totalement la relation de l’administration au citoyen.

Cependant, la crise montre avec réalisme que les investissements réalisés dans le numérique en termes de connectivité, d’outils et de changement des pratiques professionnelles sont encore très loin d’avoir porté leurs fruits. La capacité des administrations à télétravailler dans de bonnes conditions d’équipement et avec l’agilité nécessaire est encore très loin de l’état de l’art et justifiera, demain, de relancer totalement le chantier majeur de l’équipement technologique et numérique des agents (Etna) porté par la direction interministérielle du numérique de l’État (Dinum). De même, le fonctionnement à distance de l’éducation nationale, s’il offre de nombreuses bonnes surprises aujourd’hui aux parents, n’apporte pas le niveau d’organisation, de cohérence des pratiques digitales ou d’harmonisation des outils numériques, ne serait-ce qu’au sein d’un même établissement. Le numérique éducatif et la manière dont les enseignants se l’approprient sera également un des grands chantiers de l’après-crise. Enfin, le développement de la télémédecine, encore embryonnaire, mais qui aurait pu être particulièrement utile aujourd’hui, est aussi un enjeu de développement des prochains mois. Le ministère de la Santé prévoyait 1 million de téléconsultations en 2020 sur 350 millions de consultations annuelles, soit moins de 0,3 %. Le potentiel est d’ampleur.

Enfin, la préparation de l’après-crise pose 3 autres enjeux qui devront être adressés dans les prochains mois.

•    Le moment que nous vivons nécessite de se doter des moyens de mieux anticiper et de mieux se préparer aux prochaines crises en construisant la résilience des administrations publiques. Cela signifie : étendre les procédures de gestion de l’urgence sanitaire (approvisionnements de masques, adaptations du régime de travail du personnel soignant, logistique exceptionnelle dans les hôpitaux, réorientations de chaînes de production), mais surtout, plus globalement, sécuriser les plans de continuité des services publics dans un contexte de crise. 

•    L’ampleur de la crise interroge sur les moyens nécessaires à la reconstruction. Les États-Unis vont déployer un plan de soutien de 2 000 milliards d’euros, notamment pour appuyer les filières les plus en difficulté. En France, le transport aérien, le tourisme, la construction, le commerce de détail, la culture ou la restauration connaissent une baisse de chiffre d’affaires de près de 90 %, alors que l’Insee estime le coût de chaque mois de confinement à 3 points de PIB annuels. La préparation de plans de soutien aux filières va représenter un investissement et une mobilisation des administrations économiques encore plus forte pour appuyer tant les fleurons industriels et économiques français que les secteurs les plus à la peine. Ces plans intégreront nécessairement la notion de souveraineté industrielle pour mieux garantir la production nationale sur les produits d’intérêt vital.

•    L’impact sur le déficit public va dès lors être majeur. L’estimation, au mois de mars, était d’un déficit public d’au moins 3,9 % du PIB. La prolongation de la crise l’augmentera mécaniquement, tant le gouvernement semble déterminé à soutenir la consommation et l’investissement post-crise. En se basant sur les chiffres de la crise de 2008, l’ancien magistrat de la Cour des comptes François Ecalle estime que la dette publique représentera 116 % du PIB en 2024, soit 430 milliards d’euros de plus en cinq ans. Une option consiste à réallouer les dépenses sur les secteurs prioritaires – l’hôpital, le plan de soutien aux entreprises… – et à optimiser d’autant plus les dépenses sur les autres secteurs, en bref, à prolonger le projet initial de transformation de l’action publique de revue des missions de l’État et de réalisation d’économies. 

Guéric Jacquet, 
associé EY en charge des administrations centrales
Gueric.jacquet@parthenon.ey.com 

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