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Prime de précarité de la fonction publique : la loi contournée ?

Dans son rapport pour avis sur le volet “Fonction publique” du budget, la députée LREM Émilie Chalas s’étonne de l’écart entre les prévisions et l’impact budgétaire de la mise en place de l’indemnité de fin de contrat, dite prime de précarité. Éléments d’explication.

La députée LREM de l’Isère Émilie Chalas.

Un premier bilan mitigé pour la prime de fin de contrat de la fonction publique. C’est ce qu’a présenté, jeudi 21 octobre, la députée LREM Émilie Chalas, rapporteure pour avis de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le volet “Fonction publique” du budget. 

“La mise en place de la prime de précarité est un important pas franchi en matière de lutte contre la précarité professionnelle, explique-t-elle dans son rapport. Cependant, ce dispositif suppose une évaluation régulière, voire des ajustements, et sa mise en œuvre a pu faire naître certaines interrogations.”

Cette prime de précarité, pour rappel, a été instituée par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Elle peut être accordée aux contractuels dont les contrats, le cas échéant renouvelés, sont d’une durée inférieure ou égale à un an, à l’exception des contrats saisonniers. Et ce pour les contrats conclus depuis le 1er janvier dernier. 

Écart entre les prévisions et l’impact financier réel

La rapporteure s’étonne notamment des données qui lui ont été fournies par l’administration sur l’impact budgétaire de la mesure. Lors de l’examen de la loi de réforme de la fonction publique, “les estimations retenaient comme coût de cette mesure plusieurs centaines de millions d’euros, au moins 500 millions”, indique Émilie Chalas. “Or le coût indiqué pendant les auditions était de 6,98 millions d’euros [pour la période allant de janvier à septembre 2021, ndlr]”, poursuit la parlementaire. 

Comment expliquer un tel différentiel ? Outre une possible “erreur initiale de chiffrage”, la députée avance un autre argument pour expliquer la différence d’impact budgétaire : “l’effet comportemental” de la prime de précarité. À savoir, la “vertu” qui pousserait des employeurs à “mieux structurer leurs offres d’emplois” en privilégiant des contrats d’une durée supérieure à un an pour limiter la précarité dans la fonction publique. 

“L’estimation initiale faisait abstraction des changements de comportement, indique ainsi Émilie Chalas. Si ceux-ci sont intervenus en masse, alors le fait que le coût soit inférieur aux prévisions est normal et l’objectif serait atteint.” 

Dans sa fiche d’impact du décret actant la mise en œuvre de cette prime, le gouvernement estimait toutefois à 364 millions d’euros le coût annuel prévu pour l’indemnité de fin de contrat dans la fonction publique. Chaque année, 183 000 contractuels – ceux en contrat de moins d’un an – devraient en bénéficier, avec une prime moyenne de 2 000 euros, était-il indiqué. Une estimation haute que l’exécutif appelait à relativiser, ce dernier escomptant en effet, à terme, davantage de contrats longs et donc moins de primes de précarité à verser [lire encadré]. 

Contournement de l’esprit de la loi 

Pour la parlementaire néanmoins, la différence de coût peut également “résulter d’un contournement de l’esprit de la loi” : “des administrations ont pu conclure des contrats un petit peu plus longs, juste ce qu’il faut pour ne pas avoir à verser cette prime”. Par exemple, un contrat d’un an et un jour. “On serait là dans une configuration où la lettre de la loi serait respectée, mais son esprit et sa finalité totalement contournés”, développe Émilie Chalas en appelant à faire cesser de telles pratiques. 

Selon elle, ces abus sont la résultante de l’architecture même de la prime de précarité et de son plafond de durée de douze mois. “Tout plafond, tout seuil peut entraîner des effets pervers”, développe la parlementaire. 

Émilie Chalas pousse donc à une augmentation de la durée des contrats éligibles à la prime de précarité. Deux pistes sont avancées. La “plus ambitieuse” consisterait à supprimer tout plafond de durée, comme dans le secteur privé, où l’indemnité de fin de CDD est due au terme de la relation de travail si celle-ci ne se poursuit pas par un CDI. À défaut, la rapporteure propose de relever d’un an à dix-huit mois la durée au-delà de laquelle la prime de précarité n’est pas due.

“Réduire au maximum les contrats de moins de douze mois”
“Le but de la mesure est de ne pas avoir de très gros budgets de primes”, a répondu la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, à la commission des lois, qui l’auditionnait jeudi 21 octobre. L’objectif, a-t-elle ajouté, “c’est de supprimer les contrats courts ou en tout cas de les réduire au maximum”. “Il me semble que c’est une bonne nouvelle si nous arrivons à réduire au maximum le nombre et l’importance des contrats de moins de douze mois”, a poursuivi Amélie de Montchalin devant les députés.

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