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Recrutements dans la “tech” publique : ça avance !

Valorisation de la marque employeur, recrutements sur titre, promotion d’une cinquantaine de métiers, actions groupées des ministères : l’État multiplie les initiatives pour attirer sur les métiers de la “tech” publique. Un chantier stratégique piloté par la direction interministérielle du numérique (Dinum) et sa mission “Talents”, qui travaille à rassembler l’archipel des initiatives en matière de ressources humaines et de numérique au sein de l’État. Détail des évolutions à l'œuvre avec Soraya Saa, cheffe de la mission “Talents”.

Si les besoins de recrutement de profils numériques par l’État – et plus largement par le secteur public – restent criants, la prise de conscience s’opère et les actions s’intensifient. “Le changement est déjà enclenché et nous accélérons !” explique-t-on à la direction interministérielle du numérique (Dinum), dont la mission “Talents” travaille à coordonner les interventions des ministères en matière d’attractivité et de recrutement au sein des filières numériques. L’objectif : jouer “groupés” pour assurer la promotion et la fidélisation des métiers et simplifier les recrutements. État des lieux, avec la cheffe de la mission “Talents” de la Dinum, Soraya Saa, des initiatives à venir dans les prochains mois. Un chantier RH devenu une condition essentielle de la réussite de la transformation numérique des services publics.

Soraya Saa, cheffe de la mission Talents à la Dinum

Réinternalisation. Quelque 1 000 postes dans les différentes filières du numérique sont proposés par l’État chaque année. Quand, en juillet 2020, dans son rapport sur la conduite des grands projets numériques de l’État, la Cour des comptes pointait une quinzaine de métiers en forte tension, la Dinum travaille deux ans plus tard à valoriser plus d’une cinquantaine de métiers. “L’État veut réinternaliser ses compétences depuis la conception des projets jusqu’à leur livraison et leur maintenance”, résume Soraya Saa. Au-delà des recrutements d’intégrateurs, concepteurs-développeurs, directeurs de projet, “scrum masters” et autres chefs de projet “MOA/MOE” (maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre), les métiers liés à l’agilité et au cloud computing se développent fortement. “Nous insistons sur le fait que nos besoins en internalisation portent sur tous les métiers du numérique et pas seulement sur les plus visibles”, souligne Soraya Saa. Le travail de pédagogie et de valorisation de la marque employeur de l’État s’intensifie. 

Toutes les politiques publiques concernées. Concrètement, les actions initiées ces dix-huit derniers mois vont être intensifiées. Le site Metiers.numérique.gouv.fr, lancé en décembre 2021, va continuer d’étoffer ses contenus et de centraliser les offres sur un espace unique ; développement similaire pour le site Choisirleservicepublic.gouv.fr. La sixième édition du “Forum de l’emploi tech de l’État”, qui propose quelque 400 emplois, est programmée en décembre prochain. Et la mission “Talents” accentuera sa présence sur différents forums d’emploi. Le tout en continuant d’avancer sur la formulation des offres d’emploi. “Nous travaillons à simplifier au maximum les offres et les aspects rédactionnels, relève la cheffe de la mission «Talents », en direction d’une population qui est déjà fortement sollicitée par le secteur privé.” Il faut “faire efficace”, dit-elle, alors que certaines administrations ont encore l’habitude de produire des fiches de poste aux sigles et aux intitulés trop détaillés et peu attractifs. La Dinum pilote depuis plusieurs mois des “focus groupes” concernant les annonces de recrutements dans le secteur public. Conclusion implacable des participants : certaines offres, trop techniques et trop administratives, étaient peu, voire pas compréhensibles… 

Savoir-faire... et faire-savoir ? Au-delà, l’État a mis l’accent sur 250 démarches emblématiques dont le niveau d’accessibilité fait l’objet d’un suivi poussé et qui couvrent toutes les politiques publiques et tous les ministères. “La promesse de l’État en direction des citoyens est assez exceptionnelle mais reste encore trop méconnue sur le marché de l’emploi”, pointe Soraya Saa. Elle détaille : “On peut travailler au développement de la plate-forme « espace numérique en santé » ; participer aux travaux de cyberdéfense du ministère des Armées ; moderniser la justice pénale ; recourir à la data pour lutter contre la fraude… Les parcours et les perspectives sont d’une richesse formidable !” L’illustration que le savoir-faire de l’État est fort mais que son “faire-savoir” n’est pas encore à la hauteur…

De nouveaux recrutements. Le rapport de 2020 de la Cour des comptes l’affirmait : “Les délais de recrutement par concours restent trop longs et ne sont pas adaptés à un marché en tension ; ils laissent peu de chances à la concurrence du secteur privé qui peut recruter ces compétences en quelques jours.” L’État était (fortement) invité à modifier ses modalités de recrutement pour attirer (notamment) les jeunes diplômés dès la fin de leur formation. Une recommandation traduite en évolutions concrètes. Le concours traditionnel est passé au recrutement sur titre : dépôt d’un dossier avec C.V., lettre de motivation et valorisation d’une réussite professionnelle ; puis échange avec un jury. La personne recrutée est titularisée après une année en poste. “Nous nous appuyons sur les process du privé, assume Soraya Saa. Il faut des recrutements adaptés aux profils que nous visons.”

Sensibilisation des managers. Parmi les autres nouveautés : un guichet du plan de relance permet le financement de la professionnalisation de la filière numérique, avec un volet dédié à la reconversion professionnelle. Le guichet “ITN4”, qui a permis le financement d’une vingtaine d’initiatives, est désormais fermé, mais les initiatives perdurent. L’objectif : fidéliser les agents en interne en les accompagnant vers les nouveaux métiers du numérique. “Nous développons un programme interministériel dédié à la chefferie de projet, pour laquelle nos besoins sont immenses, détaille Soraya Saa. Nous intervenons dans le cycle supérieur du numérique de l’IGPDE. Les managers viennent en immersion au sein de l’incubateur Beta.gouv. Nous travaillons aussi à l’immersion des managers de l’État au sein de start-up numériques pour qu’ils s’imprègnent des enjeux. Nous les faisons venir au sein de l’incubateur pour qu’ils découvrent d’autres méthodes et pratiques professionnelles.” Un lien avec une préconisation du rapport de 2020 de la Cour des comptes, appelant les cadres des administrations de l’État à gagner en expérience et en compétences pour mieux mesurer les enjeux concrets du numérique et “piloter leurs équipes numériques de manière plus adéquate”. Ou comment travailler à ce que la culture du numérique ne soit définitivement plus appréhendée par les top managers publics comme un enjeu uniquement technique, mais bien comme un sujet hautement stratégique. Le développement de la culture numérique est clé. 

Des programmes multiples. Au-delà, la Dinum va poursuivre et intensifier ses programmes. Tels que “Commandos UX” : des spécialistes du design UX (pour “user experience”, ou “expérience utilisateur”) épaulent pendant quatre mois les équipes des ministères sur des problématiques d’accessibilité ; la Brigade d’intervention numérique (BIN) fait intervenir pendant six mois des experts d’un sujet numérique, qui apportent leurs compétences pour permettre de faire aboutir un produit ou un service public ; le programme “Entrepreneurs d’intérêt général” recrute des spécialistes de la technologie, du design et du droit du numérique pour travailler aux côtés d’agents publics, pendant dix mois, afin de relever des défis concrets du service public, là encore sur toutes les politiques publiques (culture, éducation, défense, justice, santé, etc.). “Ces programmes et ces initiatives portés par la Dinum permettent de dépasser les recrutements classiques, analyse Soraya Saa, et contribuent fortement à attirer des profils.” Sans oublier les actions en direction des étudiants et lycéens, à l’image de “Vis mon job”, une journée d’immersion auprès d’un professionnel du numérique public, ou “Le printemps de l’orientation”, avec l’accueil de lycéens. 

L’archipel d’initiatives en matière RH et numérique se rassemble donc peu à peu au sein de l’État. L’État a des arguments solides et entend le faire savoir, glisse Soraya Saa. Mais il y a urgence, au moment où la transformation numérique connaît une accélération sans précédent. 

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