C’est un appel que je lance à toutes les femmes. Cet appel, je le dédie aux très jeunes filles, aux étudiantes ou bien aux femmes en reconversion… et de façon générale à toutes les femmes qui pensent que l’avenir leur appartient aussi. Rejoignez les filières du numérique. Elles vous attendent.
Cet appel, je l’adresse également au (à la) futur(e) président(e) de la République, afin que la mixité dans le numérique soit portée au niveau de l’enjeu sociétal qu’elle représente.
Nous vivons une accélération sans précédent depuis quelques années, avec l’apparition de nouvelles menaces, de crises successives, de ruptures technologiques majeures, ainsi qu’un bouleversement profond des besoins et des attentes des citoyens et des agents. Ces bouleversements nécessitent l’identification de nouveaux usages, la mise en place rapide d’outils qui garantissent des exigences en matière de services mais aussi de sécurité et de souveraineté, de respect de la vie privée, une nouvelle appréhension de l’environnement de travail, de nouvelles modalités de travail et de nouvelles compétences.
Le numérique est une formidable opportunité de repenser notre société et notre rapport au monde. Il s’immisce dans tous les aspects de la société, nos vies professionnelles, nos modes de fonctionnement, de collaboration, de communication et de lien social.
Le numérique doit être inclusif pour ne pas induire de biais de société
Le numérique est porteur de valeurs et de progrès. Il doit être pensé comme un vecteur de sens et ne pas s’arrêter à la notion d’outils. Replacer l’humain au cœur de sa conception est le défi de ce secteur pour construire un monde meilleur. Nous construisons aujourd’hui la société de demain. Création d’applications, algorithmes et prédictions comportementales, critères d’apparition publicitaires… Ces règles ne s’auto-génèrent pas toutes seules… elles sont à notre portée et il n’est pas question d’y introduire des biais cognitifs ou de genre.
Un secteur aussi stratégique doit être inclusif et introduire toutes les formes de pensées. La mixité est indispensable au développement éthique et vertueux de l’usage des technologies et à leur appropriation par tous. Ce secteur, innovant et moderne, reste malgré tout majoritairement préempté par des hommes parce qu’il n’attire pas les femmes.
Le numérique a besoin de talents
Le secteur n’a jamais été aussi attractif en matière d’opportunités d’emplois. Les organisations privées et publiques accélèrent leur transformation et l’écart entre les besoins des entreprises et les compétences disponibles sur le marché du travail ne cesse de croître. La guerre des talents est déclarée et les organisations développent de véritables stratégies pour identifier de nouveaux viviers de talents.
Le déficit de femmes dans les métiers du numérique est un phénomène socio-historique qui ne cesse de s’aggraver malgré les efforts des professionnels de l’éducation et du monde associatif alors que le secteur n’a jamais été aussi prolifique en matière de création d‘emploi – avec une moyenne de 20 000 nouveaux emplois sur le secteur. Les femmes représentent 23 % des effectifs du secteur (source Insee 2017*) et 17 % pour la programmation et le développement ou 13 % pour les métiers de la cybersécurité.
Selon un édito de la fondation Femmes@Numerique, qui œuvre également à l’attractivité de ces métiers, il faudrait vingt-cinq ans, à taux constant d’élèves issues de formation d’ingénieur, pour atteindre la parité (dans les nouveaux postes uniquement).
Les femmes ont un rôle déterminant à jouer pour nourrir l’innovation.
Le numérique est accessible à toutes et tous
Le numérique n’est pas qu’une affaire de geeks ! Le numérique ne se résume pas au développement de lignes de code. Le numérique, c’est se poser la question du sens, de la façon dont on peut améliorer la vie des gens grâce aux nouvelles technologies. Le numérique rassemble une multitude de métiers tous complémentaires les uns des autres : juristes, chef(fes) de projet, designers, ergonomes, data scientists, responsables produit, responsables sécurité ou protection des données personnelles, juristes, cyberattaquant(e)s… C’est un écosystème qui mixe des compétences et des formations très différentes. Il est l’affaire de toutes et tous.
Ce message, je le porte depuis plus de vingt ans en tant que professionnelle du numérique et fondatrice de réseaux d’entraide et d’influence pour les femmes du numérique et du digital.
J’ai notamment créé en 2018 le réseau Combattantes@Numerique avec un petit groupe de professionnelles engagées sous l’impulsion de l’amiral [Arnaud] Coustillière, ex-DGNUM du ministère des Armées et le sponsoring de Florence Parly, ministre des Armées, pour renforcer l’attractivité des métiers du numérique au sein de la communauté de défense.
C’étaient 10 femmes, puis 50 puis 100 puis 250… C’est aujourd’hui une association dont la vocation est de promouvoir les opportunités par la valorisation des profils, par les échanges d’idées entre professionnels, par la mise en œuvre d’actions favorisant l’employabilité des femmes dans le numérique, par la mise en réseau ou création de groupes Combattantes@Numerique pour la défense et plus largement, maintenant, en interministériel.
Exclure 50 % de la population, c’est se couper d’une ressource de compétences dont notre pays a besoin pour garantir son indépendance technologique et ses enjeux de souveraineté.
La féminisation des métiers du numérique représente un enjeu économique mais aussi sociétal. Il est nécessaire d’agir maintenant et à grande échelle si nous souhaitons inverser cette tendance. Seule une démarche volontariste permettra de relever les défis futurs auxquels la nation est confrontée et contribuera à l’évolution des métiers sur le marché du travail, où l’innovation sera essentielle.
Exclure 50 % de la population, c’est se couper d’une ressource de compétences dont notre pays a besoin pour garantir son indépendance technologique et ses enjeux de souveraineté.
L’enjeu est grand et va bien au-delà de celui de la mixité dans le numérique. Nous avons besoin de faire grandir de nouveaux viviers de recrutement. Il serait dommage de se priver de viviers à portée de main. Nous pouvons agir dès maintenant pour relever ce défi de l’inclusion face à la guerre des talents à laquelle font déjà face nos administrations.
Je propose 5 mesures.
1. Définir un objectif de mixité à atteindre sur la filière pour passer de 23 % à 45 % de femmes sur les cinq prochaines années.
2. Informer et former les professeurs aux opportunités du numérique pour les femmes et organiser chaque année des journées “Numérique pour toutes et tous” dans toutes les écoles élémentaires, les collèges et les lycées afin que les plus jeunes puissent se confronter à de véritables professionnel(le)s… car c’est jeune qu’il faut agir pour ouvrir les champs des possibles.
3. Développer et promouvoir une filière de reconversion des professions administratives dédiée au numérique qui puisse permettre au plus grand nombre de s’inscrire dans cette démarche.
4. Développer les parcours interministériels dans le numérique afin de favoriser la professionnalisation et la valorisation du secteur.
5. Agir sur les représentations et promouvoir de beaux “rôles modèles” féminins et numériques dans les médias, le cinéma, les arts, les débats d’experts, les interviews.
Le numérique a besoin de tous les talents.
