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Vue de Clamecy, dans la Nièvre. Photo : Philippe Roy/Philippe Roy/Aurimages via AFP
10 min

De l’Ain à la Guyane, zoom sur les pilotes des 6 nouvelles sous-préfectures

En octobre 2022, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la réouverture de 5 sous-préfectures en métropole, en plus de la création d’une nouvelle, en Guyane, pour “renforcer la place de l’État dans les territoires”. Plus de six mois après ces annonces, les 6 sous-préfets nommés depuis effectuent, pour Acteurs publics, un premier retour d’expérience.

“Remettre des services publics dans les territoires.” C’était la promesse de l’Élysée en octobre 2022 au moment de l’annonce, par la voix du chef de l’État, Emmanuel Macron, de la réouverture de 5 sous-préfectures en métropole et de la création d’une nouvelle en outre-mer, sur le territoire guyanais.

Fermées au cours des quinze dernières années à la suite de différentes réformes de l’État, à commencer par la Révision générale des politiques publiques (RGPP) de 2007, ces sous-préfectures ont retrouvé, chacune à leur tour ces neuf derniers mois, un sous-préfet dédié. Tout comme en Guyane, où le retard de développement de l’est du territoire a convaincu l’exécutif d’installer un représentant sur place. Si tous ces territoires sont différents, les sous-préfets nommés possèdent un point commun : aucun d’entre eux n’avait piloté de sous-préfecture avant sa désignation.

Pour Acteurs publics, les 6 nouveaux représentants de l’État sont revenus sur leurs premiers mois en fonctions et racontent les enjeux qui rythment leur quotidien au sein de leur arrondissement. 

Anne-Sophie Marcon : une habituée des préfectures à Rochechouart

C’est fin avril dernier qu’Anne-Sophie Marcon a posé ses valises à Rochechouart, dans la Haute-Vienne, après avoir piloté le secrétariat général commun départemental de l’Aude pendant un an. Avant cela, cette ancienne élève de l’institut régional d’administration (IRA) de Lyon a notamment exercé plusieurs fonctions successives à la préfecture du Val-de-Marne, entre 2011 et 2021, telles que celles de cheffe du bureau de l’accueil du public et de la délivrances de titres, puis de directrice adjointe des sécurités auprès du préfet. 

Quinze ans après le jumelage de la sous-préfecture avec Bellac, à quelques dizaines de kilomètres, les administrés de cet arrondissement situé en Haute-Vienne attendaient impatiemment l’arrivée de la nouvelle représentante de l’État. “La fermeture de la sous-préfecture, ça n’a pas été bien vécu”, témoigne Anne-Sophie Marcon, qui dirige, à ses nouvelles fonctions, une équipe de 5 agents. “Un sentiment d’abandon existait, poursuit-elle. Alors que dans les faits, il y avait encore une sous-préfecture en place, mais pas de sous-préfet.”  

Sur un arrondissement qui comprend 30 communes – contre 70 pour celui de la sous-préfecture jumelée –, Anne-Sophie Marcon a souhaité, depuis sa prise de poste, prendre le temps pour écouter, au quotidien, les demandes des élus, qui lui ont réservé, dit-elle, un accueil “très chaleureux”. Au rythme d’au moins une réunion par jour avec un maire, elle se penche principalement sur des doléances relatives “à la mobilité et au développement économique”.  

Cela tout en incarnant, autant qu’elle le peut, le rôle de “facilitateur” dévolu aux sous-préfets, après un si important laps de temps sans présence directe de l’État sur place. “C’est un travail assez pratique, il y a des problèmes sur le territoire et l’objectif, c’est de trouver des solutions”, ajoute la sous-préfète, qui cite une de ses récentes interventions auprès du maire d’une commune dont la boulangerie vient de fermer. Je l’ai mis en relation avec la chambre des métiers et de l’artisanat pour faire rouvrir le commerce. Avant, quand il n’y avait qu’un seul sous-préfet pour Bellac et Rochechouart, il n’y avait pas assez de temps pour échanger efficacement sur ces sujets.” 

Guillaume Brault : un directeur d’hôpital au parcours international en Guyane 

En Guyane, territoire d’outre-mer situé entre le Brésil et l’océan Atlantique, il n’y avait jusque-là, en plus de la préfecture à Cayenne, qu’une seule sous-préfecture, située dans l’extrême nord-ouest, à Saint-Laurent-du-Maroni. Résultat : la préfecture de Cayenne faisait face à un engorgement dans l’administratif, face à une large demande, entre autres, de titres de séjour. Partant de ce postulat et constatant le retard de développement de la partie située à l’est de ce territoire d’outre-mer, le gouvernement a souhaité mettre sur pied une seconde sous-préfecture, à Saint-Georges de l’Oyapock. C’est un ancien directeur d’hôpital, Guillaume Brault, qui en a pris les commandes. Un territoire où cet ancien directeur adjoint du centre hospitalier universitaire de Besançon (Doubs) exerçait déjà depuis début 2022, en tant que sous-préfet aux communes de l’intérieur. 

Ce poste de sous-préfet possède de fortes spécificités, tant l’arrondissement de Saint-Georges est particulier. 26 000 kilomètres carrés, soit “l’équivalent de la Nouvelle-Aquitaine”, précise le sous-préfet, mais seulement 4 communes, dont certaines ne sont accessibles qu’en pirogue ou avion. Le tout le long d’une large frontière avec le Brésil. Ainsi, le sous-préfet doit-il gérer ce qu’il présente lui-même comme “presque une petite ambassade” avec, entre autres, la présence d’un centre de coopération policière franco-brésilien sur l’arrondissement. Une facette du travail qui n’effraie pas ce connaisseur des enjeux internationaux. Il a en effet, par le passé, travaillé plusieurs années en ambassades, à Madagascar et au Sénégal, ainsi qu’en tant que directeur adjoint d’un CHU à Beyrouth, au Liban.  

À la tête d’un effectif de 6 agents qui a vocation à doubler d’ici 2024, Guillaume Brault planche désormais au quotidien sur l’assistance aux élus, une véritable mission d’ingénierie administrative auprès d’équipes municipales souvent en sous-effectif. “Le travail d’accompagnement est plus important que ce que j’imaginais”, admet le haut fonctionnaire, qui confie que ses équipes peinent à assurer l’ensemble de leurs missions, tant tout est à construire sur place. Face à l’enclavement des collectivités de l’arrondissement, un des projets de Guillaume Brault est de lancer et suivre, à l’avenir, “davantage de projets de développement des communes”

Silvère Say : un spécialiste de la territoriale à Montdidier 

Dans la Somme, l’arrondissement de Montdidier, très rural, couvre 109 communes, dont seulement 6 possèdent plus de 1 000 habitants. Son nouveau sous-préfet, Silvère Say, a posé ses valises en janvier dernier, muni d’un bagage professionnel de quinze années dans la fonction publique territoriale. Ce titulaire d’une maîtrise de droit public et de sciences politiques a ainsi eu une dernière expérience de quatre ans comme directeur général des services de La Plagne-Tarentaise, commune nouvelle située dans les hauteurs de la Haute-Savoie. “Je ne connaissais pas du tout la fonction publique d’État, je voulais voir ce qu’il se passait de l’autre côté de la barrière”, note le nouveau représentant de l’État, ravi d’occuper une fonction “très opérationnelle, en prise avec les enjeux du territoire”

Des défis qui concernent, ruralité oblige, le secteur agricole, dans cette zone où les cultures de betterave, pomme de terre et céréales cohabitent avec la célèbre raffinerie de sucre de Saint-Louis. En tête de la liste des chantiers de Silvère Say, figurent ainsi “la préservation des terrains agricoles” et “l’accélération du développement économique du territoire”. Pour ce faire, cet ancien cadre du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle rencontre régulièrement les élus et a identifié, ces derniers mois, les principaux acteurs économiques de son arrondissement, au gré de ses visites dans les communes. Le haut fonctionnaire, qui dispose d'une équipe de 5 agents à ses côtés, met également en avant l’importance des directions départementales interministérielles (DDI) qui, selon lui, “facilitent” son travail. “Quand on parvient à discuter efficacement avec un acteur de l’arrondissement, assure-t-il, c’est parce qu’on a pu compter sur les notes de synthèse des DDI avant.” 

Le sous-préfet de Montdidier insiste, en outre, sur son rôle de courroie de transmission pour anticiper et relayer “des signaux faibles”, tels que les agressions d’élus ou des problèmes liés à des usines locales. Un point essentiel, aux yeux de Silvère Say, à l’existence d’un sous-préfet sur le territoire. “Quand il n’y avait pas de sous-préfet, ces dernières années, les agents de la sous-préfecture répondaient aux sollicitations, mais ils n’avaient ni le temps ni les moyens d’anticiper certains problèmes locaux”, explique-t-il.

Norchen Chenoufi : une docteure en biologie nommée à Château-Gontier 

En poste depuis octobre dernier à la tête de la sous-préfecture de Château-Gontier et ses 75 000 administrés, à l’extrême sud de la Mayenne, Norchen Chenoufi est docteure en biologie. Elle a notamment piloté, entre 2005 et 2019, le laboratoire départemental d’analyses du Bas-Rhin. 

Devenue, ensuite, directrice de projet “Politiques sociales” auprès de la Collectivité européenne d’Alsace, elle a découvert sur le tas, depuis huit mois, la myriade de missions dévolues à la fonction de sous-préfète, notamment celles qui sont liées aux aides aux entreprises en difficulté.  

Une fonction très différente de son quotidien des années précédentes. “Quand j’ai pris mon poste, j’étais persuadée que j’allais uniquement avoir à échanger avec les élus et certains administrés, se souvient-elle. Mais il y a aussi du boulot avec les entreprises et les artisans. Beaucoup sont désespérés avec la crise énergétique.” Si celle qui est également référente départementale “France 2030” admet que le territoire “n’est pas très attractif”, elle vante la présence “de petites entreprises vraiment dynamiques” qui ne se faisaient toutefois pas connaître car elles n’étaient “pas au courant des dispositifs mis en place par l’État”

Une autre problématique importante, au niveau de l’arrondissement, concerne les zones blanches. “Beaucoup de gens sont très éloignés du numérique, donc on a renforcé l’accueil du public à la sous-préfecture pour prendre le temps de les accompagner”, indique la sous-préfète, qui possède également un mastère II de gestion des risques sur les territoires, obtenu à l’ex-ENA, en 2010. Norchen Chenoufi échange ainsi très souvent avec les opérateurs pour régler des problèmes spécifiques, qui peuvent aussi bien affecter une commune qu’un commerce. “C’est un travail difficile, mais je ne veux pas que chacun renvoie la balle à l’autre, confie la sous-préfète, qui travaille aux manettes d'une équipe de 8 agents. J’essaie d’écouter tout le monde mais, à la fin, on va toujours prendre le parti de celui qui est le plus fragile.”

Danielle Balu, une spécialiste de la sécurité à Nantua

La nouvelle sous-préfète de Nantua, Danielle Balu, a pris ses fonctions dans l’Ain en octobre dernier, après plus de deux ans passés en tant que directrice de la sécurité de la préfecture de Saône-et-Loire. Avant cela, cette conseillère de l’administration et de l’outre-mer a notamment travaillé, entre 2013 et 2020, sur l’aménagement du territoire, puis sur les affaires financières au secrétariat général pour les affaires régionales d’Alsace puis du Grand Est. 

Jumelés entre 2016 et 2022, les arrondissements de Gex et de Nantua sont aussi proches géographiquement qu’ils sont éloignés dans leurs spécificités locales. À Gex, non loin de la Suisse, ce sont les pressions migratoires qui pèsent sur les 15 communes du territoire. À Nantua, dominée par les poumons économiques que constituent Oyonnax et Valserhône, on trouve 62 communes, de la moyenne montagne et des domaines forestiers omniprésents. Pour les administrés, le jumelage des 2 préfectures a provoqué un éloignement avec l’État. “Avec 1 heure de route entre Nantua et Gex, le bureau de l’ancienne sous-préfète, c’était sa voiture, et elle ne pouvait malheureusement pas se dédoubler pour répondre à toutes les demandes des élus”, raconte Danielle Balu.

À son nouveau poste de sous-préfète, elle a tenu à ériger l’emploi en tête de la liste de ses priorités. “L’arrondissement connaît de grosses difficultés en matière de recrutement, il faut essayer d’y remédier”, souligne la représentante de l’État, dans un contexte où les entreprises de la “Plastics Vallée”, premier pôle de plasturgie en Europe, ne parviennent pas à trouver assez d’employés qualifiés. La sous-préfète indique ainsi avoir participé et encouragé de nombreuses actions, comme “Du stade vers l’emploi” au stade de rugby d’Oyonnax, mais aussi l’École de la deuxième chance, qui doit permettre d’accompagner les jeunes peu qualifiés dans leur recherche d’emploi. Tout cela entre des visites en intercommunalités, entreprises et missions locales.

Habituée des préfectures, la sous-préfète de Nantua a découvert, dans l’Ain, une autre face des services de l’État. “Ce côté très isolé, par rapport à la préfecture où on a toujours du monde autour de soi, c’est très différent, mais c’est inhérent au métier de sous-préfet”, pointe-t-elle. Avant d’ajouter qu’elle travaille actuellement avec les services des ressources humaines pour disposer d’un contrat d’apprentissage, “qui va venir aider sur le plan administratif”. “Avec du renfort, ce sera mieux, insiste-t-elle, alors qu'elle travaille actuellement à la tête d'une équipe de 7 agents. Je le vois bien, il y a des missions qu’on fait, mais qu’on pourrait faire mieux.” 

Cyrielle Franchi, une vétérinaire à la tête de la sous-préfecture de Clamecy

Arrivée de de Saône-et-Loire, où elle était cheffe de service vétérinaire dans plusieurs abattoirs, Cyrielle Franchi est, depuis janvier, la nouvelle sous-préfète de Clamecy, dans la Nièvre. Un arrondissement dépourvu de sous-préfet depuis 2014 et qui couvre 84 communes. Cette ancienne élève de l’École nationale des services vétérinaires et de Sciences Po Lyon ne se destinait pas à devenir haute fonctionnaire, mais son parcours, notamment marqué par huit années comme vétérinaire rurale, lui a permis de se rendre compte de ce qui “ne fonctionnait pas” dans certaines zones rurales et agricoles. 

Désormais bien installée dans la Nièvre, Cyrielle Franchi confie avoir récupéré une équipe peu fournie. “Quand j’ai pris mon poste, je n’avais que 2 agents sur site, se remémore-t-elle. Il fallait quasiment repartir de zéro, c’était un peu compliqué, même si la préfecture de département s’est très investie dans les recrutements. On s’est dépannés comme on a pu avec les autres services.” À quelques jours d’accueillir un secrétaire général à ses côtés, “qui va permettre de vraiment lancer les choses”, la sous-préfète se félicite du travail accompli, soulignant que son équipe “a vraiment assuré en termes de qualité de service”.

En poste dans un territoire “peu attractif” sur le plan économique, Cyrielle Franchi voit son nouveau quotidien rythmé par les visites de terrain avec les élus, les entreprises et les porteurs de projets, ainsi que par les problématiques liées aux loups et à l’habitat indigne – sujet sur lequel elle est la référente départementale. Selon la sous-préfète, son arrivée a permis aux élus de trouver des réponses à leurs interrogations, et un meilleur soutien de l’État : ;“Ils sont contents de ma présence et osent davantage, témoigne-t-elle. Avant, le sous-préfet de l’arrondissement jumelé était happé par l’autre moitié du territoire et n’avait pas beaucoup de temps pour tous les élus.”  

Hormis la fin des recrutements, qui doit permettre à la sous-préfecture de bénéficier, à terme, de 8 agents, la sous-préfète gère actuellement des chantiers liés, entre autres, à “la réouverture d’un abattoir” et à “l’implantation d’une entreprise de transports logistiques qui apporterait 400 emplois”. En plus de gérer des problèmes dans le foncier et des conflits entre élus. Tant de missions, diversifiées, qui confortent Cyrielle Franchi dans son choix d’avoir candidaté, puis obtenu les manettes de la sous-préfecture de Clamecy. “C’est vraiment dans ces petits territoires ruraux que l’on se sent le plus utile”, conclut-elle. 

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