Depuis le milieu des années 1990, la croissance moyenne de la productivité dans l’Union européenne (UE) a été plus faible que dans les autres grandes économies. La question de la compétitivité de l’UE est aujourd’hui d’autant plus prégnante que le vieillissement démographique se poursuit et que le contexte géopolitique se dégrade. À cela s’ajoute un retard certain en matière d’innovation et d’adoption des nouvelles technologies. Tous ces paramètres se conjuguent pour grever les moyens d’action dont l’UE dispose pour faire face aux prochains chocs de compétitivité.
Dans ce contexte systémique particulier, la maîtrise de l’intelligence artificielle (IA), et notamment de l’intelligence artificielle générative (IAG), est un enjeu majeur, ces technologies conditionnant une part importante de la compétitivité future des organisations.
En la matière, l’indispensable effort de régulation fourni de manière usuelle par l’UE (Règlement sur l’IA) ne suffira pas, loin de là. En effet, la régulation ne peut, à elle seule, permettre une diffusion large d’usages pertinents, fiables et responsables, en particulier via l’intégration native de l’IAG dans les processus de gestion et d’analyse des acteurs économiques et publics. À cette fin, il faut une base industrielle solide et innovante. C’est d’ailleurs ce à quoi une entreprise européenne comme SAP se consacre en investissant massivement depuis deux ans.
Beaucoup reste à faire car, pour le moment, l’UE n’est pas bien placée dans la course à la diffusion des usages. Dans ces conditions, et en amont même des questions de compétitivité, se pose un autre problème : dès lors que les usages de l’IA sont massivement diffusés en population générale et que ces outils peuvent être porteurs de valeurs, de biais et de pratiques gouvernementales étrangères à celles de l’Europe occidentale, le risque de se retrouver travaillé de l’intérieur par des influences contraires, difficilement maîtrisables, émerge.
Malheureusement, le niveau des investissements européens dans la R & D reste faible. En 2021, selon l’Insee, les dépenses intérieures brutes de R & D (DIRD) en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) étaient de 2,16 % au sein de l’UE, quand la moyenne de l’OCDE était à 2,72 % et que la Corée du Sud et les États-Unis dominaient le classement, avec respectivement 4,93 % et 3,46 %. Ce type de faiblesse structurelle entraîne des conséquences de long terme sur le niveau des performances économiques et l’établissement de la souveraineté.
L’UE peine à définir et mettre en oeuvre une véritable politique industrielle. L’étau se resserre autour de ses capacités à anticiper, planifier et allouer de manière pertinente les moyens qui sont les siens. Autant de tâches qui pourraient être utilement renforcées par de l’IA.
Élodie FRANCO-RITZ, directrice « affaires gouvernementales France & Afrique francophone », SAP