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Quand le patron de la DSI de l’État pose la question de confiance à ses équipes

Aux prises avec des débats internes, le directeur interministériel du numérique (Dinum), Nadi Bou Hanna, a lancé, le 31 mai, une consultation auprès de ses agents. Au menu notamment : une question visant à mesurer le soutien à sa personne et à sa stratégie. Une démarche insolite dans la fonction publique, soudainement suspendue le 2 juin.

Le directeur interministériel du numérique, Nadi Bou Hanna.

“Soutiens-tu la vision portée par Nadi [Bou Hanna, ndlr] pour le numérique de l’État et pour la Dinum, ainsi que sa mise en œuvre ?” Les agents de la direction interministérielle du numérique étaient appelés, à partir du 31 mai, à répondre par “oui, tout à fait” ou par “non, pas du tout”, ou plusieurs nuances entre les deux. Cette question toute simple, qui intervient en toute fin de la dernière enquête interne lancée sur les conditions de travail de la direction interministérielle – forte de quelque 160 agents –, secoue les usages et les habitudes de la fonction publique, régie par des règles qui ne laissent habituellement pas aux agents le loisir de s’épancher sur la légitimité de leurs dirigeants, nommés par le pouvoir politique.

Le directeur interministériel du numérique, à l’initiative du questionnaire, l’avait annoncé quelques semaines plus tôt, le 12 mai, lors d’un “Dinum Talk”, nouveau rendez-vous interne organisé tous les deux mois pour remettre un peu de cohésion entre les équipes, après de nombreux signalements reçus par les syndicats et qui, selon ces derniers, faisaient état de “souffrance et de surcharge de travail, de perte des repères et de pressions managériales” pendant le premier confinement. L’occasion aussi pour Nadi Bou Hanna d’asseoir sa légitimité en interne, après plus de deux ans de critiques sur sa méthode et sur ses choix stratégiques pour cette direction sociologiquement et culturellement éloignée des standards de la fonction publique et où règne un certain esprit critique.

Scrutin anonyme

Lors de la réunion interne du 12 mai dernier, Nadi Bou Hanna - un haut fonctionnaire polytechnicien nommé par l’ancien secrétaire d’État au Numérique Mounir Mahjoubi à la tête de la Dinum en 2018, après avoir dirigé des PME spécialisées dans l’édition de logiciels – avait pris de court ses équipes et managers en annonçant son intention de “remettre en jeu” son “mandat de directeur” dans un exercice “d’innovation managériale”. “Nous rentrons dans une période de fin de mandat gouvernemental, où il peut y avoir des opportunités, des risques et de la pression. J’ai donc besoin de mesurer le niveau réel d’adhésion des agents à la stratégie et à la méthode que j’ai mises en place au sein de la Dinum, a-t-il expliqué à ses troupes. Concrètement, dans la prochaine enquête qui verra le jour, vous aurez une question sur votre souhait de me voir ou pas continuer à diriger la Dinum et j’en tiendrai compte pour la suite, selon les résultats qui sortiront.”  Sollicité ces derniers jours par Acteurs publics, le Dinum n’a pas réagi.

Le questionnaire envoyé aux équipes lundi 31 mai – à remplir en ligne, de façon anonyme – propose plus généralement aux agents d’évaluer leurs moral, santé physique, environnement de travail à distance et attentes pour la suite, notamment depuis que le directeur dit avoir changé de méthode managériale, en décembre, pour davantage responsabiliser ses managers. Une “inversion managériale”, comme l’a décrite le directeur, dont plusieurs agents en interne disent auprès d’Acteurs publics ne pas avoir vu les effets.

Mais le 2 juin, un coup de théâtre est survenu : la Dinum a suspendu le questionnaire au motif qu’il avait été transmis à l’extérieur et a promis qu’un nouveau sondage permettant de “garantir la sincérité de l’enquête” serait rapidement mis à disposition. Un épisode qui a semé le doute. Certaines sources indiquent que Nadi Bou Hanna aurait été rappelé à l’ordre, ce qui pourrait justifier l’arrêt brutal de l’enquête. Quoi qu’il en soit, la démarche interpelle à tous les niveaux. Pour certains, elle remet en cause l’autorité des tutelles politiques, à savoir le Premier ministre, Jean Castex, et la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin. Sollicité, le cabinet de cette dernière ne souhaite pas commenter un sondage interne.

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