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Contrôle des mobilités public-privé : une appropriation des nouvelles règles "à parfaire"

Dans son rapport d'activité présenté ce 1er juin, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) revient sur sa première année pleine d'exercice de ses nouvelles compétences en matière de contrôle déontologique des agents publics. L'occasion, de nouveau, d'appeler les administrations à mieux s'approprier le dispositif dans une logique de responsabilisation. 

Le président de la HATVP, Didier Migaud

Un bilan encourageant mais encore quelques trous dans la raquette. Le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Didier Migaud, a présenté ce mercredi 1er juin le rapport d'activité 2021 de cette autorité administrative indépendante. La première année pleine d'exercice de ses nouvelles compétences en matière de contrôle des mobilités public-privé.

"Le bilan général témoigne d'une meilleure connaissance du nouveau dispositif par les administrations qui saisissent moins souvent par erreur la Haute autorité, indique ainsi la HATVP dans son rapport. Néanmoins une analyse approfondie de chaque contrôle montre que l'appropriation des nouvelles procédures, notamment le rôle central de l'autorité hiérarchique, reste encore largement à parfaire". 

Comme prévu par la loi de transformation de la fonction publique de 2019, la HATVP est en effet désormais seule en charge du contrôle déontologique des agents en lieu et place de feu la Commission de déontologie de la fonction publique. Depuis le 1er février 2020, la saisine obligatoire de la HATVP ne concerne que les agents les plus exposés qui envisagent de rejoindre le privé. En contrepartie, les administrations sont responsabilisées, la loi leur confiant le contrôle déontologique des demandes des autres agents. En cas de "doute sérieux", celles-ci peuvent saisir leur référent déontologue et, si le doute subsiste, l'autorité hiérarchique peut saisir la HATVP. Autre nouveauté de la loi de 2019 et non des moindres : la création d'un mécanisme de contrôle "retour ou arrivée" pour les personnes ayant exercé une activité privée au cours des trois dernières années et qui souhaitent accéder à certains emplois du secteur public. 

Baisse des saisines injustifiées

Dans le détail, la HATVP a enregistré 319 saisines en 2021 concernant des contrôles déontologiques et rendu 295 avis. Des chiffres en forte baisse par rapport à 2020 où plus de 500 saisines de la HATVP avaient été enregistrées. 

Cette évolution résulte de deux facteurs. Premièrement, une actualité politique "moins dense" contrairement à 2020 et au remaniement gouvernemental de juillet 2020 qui avait conduit à une augmentation du nombre de saisines de pré-nomination. Les emplois de collaborateur du président de la République et de membres de cabinets ministériels font en effet partie de ceux soumis à une saisine préalable obligatoire de la HATVP lorsque la personne pressentie a exercé une activité dans le secteur privé au cours des dernières années. Ce qui laisse présager une nouvelle hausse des saisines cette année avec la nomination du nouveau gouvernement d'Elisabeth Borne. 

Deuxième explication à la baisse des saisines enregistrée en 2021 : la diminution des saisines injustifiées. L'année 2020 s'était en effet caractérisée par une "nombre important" de saisines inopportunes, portant soit sur des domaines pour lesquels la HATVP n'est pas compétente soit sur des agents relevant de la procédure de saisine subsidiaire "alors qu'aucun doute particulier n'avait été exprimé et que le référent déontologue n'avait pas été sollicité". Résultat : 11 % des saisines enregistrées en 2021 ont donné lieu à un avis d'irrecevabilité ou d'incompétence contre 33 % en 2020. 

Cette "amélioration notable", ajoute la HATVP, "se révèle toutefois inégale en fonction des entités publiques" : "Si les administrations de l'Etat et les collectivités sont désormais mieux sensibilisées à ces nouveaux contrôles, les établissements employant des agents de la fonction publique hospitalière, en particulier ceux de petite taille, demeurent à l'origine de la majorité des avis d'irrecevabilité et d'incompétence, certains n'ayant parfois pas encore nommé de référent déontologue". 

Lacunes au sein des administrations 

Charge donc encore aux administrations d'assimiler la réforme introduite par la loi de 2019. Deux sujets sont notamment pointés du doigt par la HATVP. Le contrôle préalable aux nominations, tout d'abord (104 saisines en 2021 pour 99 avis). Celles-ci concernant ainsi majoritairement des emplois de collaborateurs de cabinets ministériels avec donc une "quasi-absence" de saisines à titre subsidiaire de la part de l'administration. 

Cela, explique la Haute autorité, "interroge tout particulièrement alors que de nombreux emplois – environ 20 000 – sont concernés par le contrôle subsidiaire de pré-nomination". Les échanges avec les référents déontologues font également ressortir qu'ils sont très peu saisis en la matière", poursuit le HATVP. Et d'ajouter que ces éléments "laissent penser que beaucoup d'administrations ne se sont pas appropriées ce nouveau contrôle préalable pourtant nécessaire au regard des fonctions publiques stratégiques et exposées qui sont concernées". A savoir notamment les emplois de direction. 

Autre problématique identifiée par la HATVP, le cas du contrôle des mobilités d'agents publics vers le secteur privé. La haute autorité révèle ainsi des "défauts de saisine persistants" de la part des administrations, des "dossiers de saisine encore trop souvent incomplets ou imprécis" mais aussi des "cas dans lesquels l'autorité hiérarchique s'abstient de rendre sa décision" après l'avis de la Haute autorité. Autant de lacunes qui, selon la HATVP, sont "de nature à laisser penser que certaines autorités hiérarchiques ne jouent pas suffisamment leur rôle" en matière de mobilité vers le secteur privé et de contrôle de celles-ci. Et c'est loin d'être la première fois que la HATVP met en avant les difficultés des administrations à endosser leurs nouvelles responsabilités. Dans nos colonnes, en février 2021, son président Didier Migaud pointait déjà cette problématique [cliquez ici pour consulter son interview]. 

Les propositions de la HATVP : 
-    Harmoniser les sanctions prévues en cas de méconnaissance des avis préalables aux mobilités entre les secteurs public et privé rendus par la Haute Autorité, d’une part, sur le fondement de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, applicable aux anciens membres du Gouvernement, chefs d’exécutifs locaux et membres des AAI et API, et, d’autre part, sur le fondement du code général de la fonction publique, applicable aux agents publics.
-    Étendre le champ des responsables publics soumis au contrôle de la Haute Autorité lors de leur mobilité vers le secteur privé aux titulaires de certaines fonctions exécutives locales (les vice-présidents et conseillers titulaires d’une délégation de signature ou de fonction des conseils régionaux et départementaux et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants ; les adjoints au maire des communes de plus de 100 000 habitants titulaires d’une délégation de signature ou de fonction) 
-    Créer un contrôle des mobilités vers le secteur privé pour les agents, quel que soit leur statut, de certains EPIC de l’État tels que l’UGAP ou la Solideo, d’établissements publics spéciaux comme la Caisse des dépôts et consignations et d’établissements publics rattachés aux collectivités territoriales tels que les offices publics de l’habitat, à l’occasion de leur départ vers le secteur privé
 

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Club des acteurs publics

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