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Emmanuel Millard : “Le contrat d’objectifs et de performance, un outil qui doit s’imposer”

Le président de l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion plaide dans cette tribune pour une meilleure appropriation de cet outil de gestion des opérateurs de l’État, encore trop peu utilisé.

Le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2021 recensait près de 437 opérateurs, contre 483 pour 2020. Ce sont principalement des établissements publics administratifs (51 %) ou des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (32 %), mais on y trouve aussi des établissements publics industriels et commerciaux (8 %), des groupements d’intérêt public (2 %) ou des associations (1 %).

Les ministères de tutelle assurent le suivi des orientations stratégiques prises par les opérateurs et veillent à la cohérence de celles-ci avec leurs politiques publiques de rattachement. À cet effet, plusieurs circulaires relatives au pilotage et à la gouvernance des opérateurs de l’État ont été publiées depuis 2010, dont celle du 24 mars 2010, généralisant les instruments de pilotage stratégique, avec le contrat d’objectifs et de performance (COP) et la lettre de mission.

Le contrat de performance, généralement établi sur une période de trois à cinq ans, contient les priorités de l’opérateur, les objectifs fixés assortis d’indicateurs périodiques ainsi que les modalités de suivi.

Le rapport de la Cour des comptes de 2021 relève que seulement 22 % des opérateurs disposent d’un contrat en vigueur en 2020, ce taux étant ramené à 42 % hors établissements d’enseignement. Pourquoi cet outil est-il si peu répandu au sein des opérateurs ? Et comment la tutelle stratégique peut-elle s’exercer dans ce cas ?

Engagement stratégique chiffré, documenté et périodique

La mise en œuvre d’une démarche de contractualisation doit être pilotée par la direction de l’établissement, en lien avec les salariés, les tutelles et le contrôle général ou budgétaire. Elle doit s’étendre sur une durée de trois à six mois maximum et doit correspondre à l’installation de la nouvelle gouvernance de l’opérateur. Des étapes intermédiaires dans la construction de ce document stratégique doivent aussi être envisagées avec les instances de gouvernance, tutelles et conseil d’administration, afin de s’assurer de l’adhésion de tous les administrateurs au projet.

Le COP est avant tout un engagement stratégique chiffré, documenté et périodique. Il doit permettre d’organiser, au début de l’exercice suivant, un dialogue de gestion nourri entre les tutelles budgétaire et métiers et la direction de l’opérateur, à la fois sur l’exercice clos mais aussi sur l’exercice en cours. Puis une présentation aux instances de gouvernance doit être prévue, au plus tard au moment de la présentation du compte financier de l’exercice clos.

Au moment du dialogue de gestion, doivent pouvoir être proposés des ajustements stratégiques accompagnés de modifications d’objectifs et d’indicateurs, mais aussi des valeurs de prévision ou de cibles, avec l’accord des parties prenantes.

Pour que le COP soit un outil de pilotage stratégique utile et efficient, il doit être clair, concis, chiffré, lié au pilotage opérationnel (ou contrôle de gestion) de l’opérateur et permettre un suivi annuel du dispositif de performance.

Discuter des moyens en vue d’atteindre les résultats

À l’instar du budget de l’État, les objectifs et indicateurs du COP, qu’ils soient d’activité, socio-économiques, de qualité de service ou encore d’efficacité de la gestion, doivent éclairer la construction et la justification du budget de l’opérateur, c’est-à-dire être l’occasion de discuter des moyens en vue d’atteindre les résultats attendus. Il serait même parfaitement concevable de mettre en place des revues stratégiques trimestrielles ou semestrielles pour les principaux opérateurs de l’État. Elles porteraient également sur l’analyse des indicateurs de performance en lien avec l’exécution budgétaire. Cela suppose des indicateurs simples, robustes, partagés et renseignables à tout moment.

Dans cette animation infra-annuelle du dialogue de gestion et afin de renforcer l’importance du contrat de performance, le rôle des tutelles budgétaire et métier est primordial. L’articulation entre elles doit permettre de faire émerger des orientations et des instructions communes, claires et opérationnelles et surtout non contradictoires. Sans contrat de performance, sur la base de quels fondements cette discussion stratégique et de performance pourrait-elle avoir lieu et faire le lien avec l’exécution budgétaire ? Cela passe également par une systématisation des revues annuelles du contrat de performance devant les instances de gouvernance afin de rappeler le cadre et les orientations stratégiques. Peut-être aussi par un accompagnement et des sessions de formation spécifiques sur ces questions à destination des administrateurs.

Le contrat de performance est un outil stratégique puissant, permettant de rassembler toutes les parties prenantes autour d’un projet et d’un cadre commun et partagé. Chaque partie doit y trouver sa place et rester dans son rôle, mais il est clair également que l’exercice de la tutelle stratégique doit être renforcé, voire professionnalisé, à l’instar des exigences des actionnaires d’une entreprise privée. À cet effet, la nomination de “référents” thématiques parmi les administrateurs permettrait sans aucun doute de renforcer l’intérêt et l’importance du COP et d’animer le dialogue de gestion avec les représentants des tutelles mais aussi avec les autres administrateurs.

La création d’une direction interministérielle, à l’instar de l’Agence des participations de l’État (APE) pour les entreprises et participations publiques, en charge du périmètre des opérateurs de l’État, de la consolidation et de l’animation stratégiques, en lien avec les tutelles métiers, permettrait de donner du corps, du sens et de la visibilité à cette démarche. En l’occurrence, cette direction interministérielle pourrait être rattachée à Bercy, en lien fonctionnellement avec les sous-directions budgétaires et les tutelles ministérielles.

Outil de pilotage indispensable

Cette direction interministérielle serait en charge de la doctrine, de l’animation et de la coordination stratégiques et de la procédure budgétaire. Pourraient également être mis en place des comités d’orientation stratégique et budgétaire infra-annuels dédiés aux opérateurs de l’État par département ministériel, regroupant, autour de cette nouvelle direction interministérielle, les secrétaires généraux, les directions financières et le Contrôle général, ­économique et financier (CGEFI).

L’objectif du contrat de performance n’est pas de bureaucratiser ni de paralyser la gouvernance d’un opérateur. Cela doit être précisément tout le contraire, un document fixant le cap stratégique, porté par la gouvernance et relayé dans les directions opérationnelles. Un outil de pilotage indispensable, tout simplement, qui doit pouvoir être déployé conformément à la circulaire du 24 mars 2010 relative au pilotage et à la gouvernance des opérateurs de l’État. Ce serait aussi l’occasion d’actualiser et de préciser ces nouvelles attentes sur le sujet.

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Club des acteurs publics

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