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Porno, Koh-Lanta, pâtisserie et poissons : les perles 2020 de la jurisprudence "Fonction publique"

En cette fin 2020, Acteurs publics a sélectionné quelques décisions rendues par la justice administrative cette année. Des décisions relatives à des histoires pour le moins rocambolesques...

Du risque de participer à une émission de téléréalité pendant un arrêt maladie. "Les aventuriers de votre tribu ont décidé de vous éliminer et leur sentence est irrévocable", a-t-on coutume d’entendre durant l’émission d’aventure Koh-Lanta diffusée sur TF1. La sentence prononcée par la justice à l’encontre d’une fonctionnaire territoriale ayant participé à cette émission de téléréalité pendant un arrêt maladie l’est tout autant. Dans la lignée d’un jugement rendu en juillet 2019 par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la Cour administrative d’appel de Lyon a en effet confirmé le 4 avril dernier la sanction disciplinaire de révocation prononcée à l’encontre d’une fonctionnaire de Clermont Auvergne Métropole ayant procédé à de tels agissements en 2015, sans en informer son employeur [cliquez ici pour consulter l’arrêt de la Cour]. Pendant son arrêt maladie, ladite fonctionnaire avait aussi participé à des compétitions sportives à l’étranger, toujours sans en informer son employeur. Durant son arrêt maladie, l’intéressée avait également dispensé des cours de gymnastique sans demande d’autorisation de cumul d’activités auprès de son employeur. S’il n’était pas établi que la participation de celle-ci à des compétitions sportives et à des émissions de téléréalité "a porté atteinte à l’image de la fonction publique territoriale ou à Clermont Auvergne Métropole", "il ressort en revanche des pièces du dossier que ces participations, largement médiatisées, ont entravé le bon fonctionnement du service, instaurant parmi les collègues de cet agent un sentiment d’injustice et des difficultés managériales, les interventions télévisuelles de l’intéressée ayant notamment été relayées par affichage sur son lieu de travail alors que ses collègues étaient sollicités au titre de son remplacement, l’intéressée étant en congé maladie", expliquait notamment le tribunal administratif de Clermont-Ferrand dans son jugement [cliquez ici pour le consulter]. 

Trop de porno nuit à la carrière des fonctionnaires. C’est ce que vient de confirmer la Cour administrative d’appel de Lyon dans un arrêt du 20 octobre où elle a rejeté la requête d’un chef de police municipale proche de Lyon qui demandait l’annulation de sa révocation entraînant sa radiation des cadres et la perte de sa qualité de fonctionnaire. Pour justifier cette sanction disciplinaire, il était notamment reproché à l’intéressé "d'avoir consulté à six reprises", en 6 jours, "des images pornographiques avec les moyens et pendant les heures de service". Ce chef de police municipale avait reconnu les faits et avait justifié son comportement "par l'état de stress dans lequel il se trouvait du fait de sa surcharge de travail". Il ressort toutefois des pièces du dossier que ses "consultations de sites pornographiques représentent un total de 43h15, soit une moyenne de 7 heures par journée et, ce pendant plusieurs heures consécutives le plus souvent". "Cette durée de consultation, qui doit être analysée, sur cette période, comme une pratique récurrente de la part de l'intéressé, représente, en outre, une grande partie (de son) temps de travail quotidien", explique la Cour. "Elle est donc de nature à nuire au bon fonctionnement du service et à compromettre fortement l'exercice réel des fonctions de l'agent, alors même que ces consultations ont été faites pour une faible partie, en dehors des heures de service, mais toujours sur le lieu de travail", ajoute-t-elle dans son arrêt [cliquez ici pour consulter cet arrêt]. Il lui était aussi reproché une altercation avec l’un de ses subordonnés, de ne pas avoir exécuté les consignes données par le maire ou encore des propos déplacés et une attitude disproportionnée à l’égard de la gente féminine. 

Pas d’imputabilité au service pour une bagarre autour d’une pâtisserie. "Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service". Cette jurisprudence est rappelée par la Cour administrative d’appel de Versailles dans un arrêt daté du 15 juin où elle a refusé de reconnaître l’imputabilité au service d’un accident dont un fonctionnaire d’un syndicat intercommunal (de Seine-Saint-Denis) a été victime au cours d’une altercation ayant pour cause une pâtisserie. Un arrêt où elle confirme un jugement rendu par le tribunal administratif de Montreuil en juin 2018. Il ressort précisément de l’affaire que l’intéressé a eu sur son lieu de travail, une violente altercation avec l'un de ses collègues, au cours de laquelle il a été frappé au visage. Mais "alors même que l'altercation" dont il a été victime, "qui a eu lieu au cours d'un temps de pause obligatoire", "trouverait son origine dans la circonstance que son collègue aurait consommé sans y être autorisé une pâtisserie du service", "il ressort des pièces du dossier que son chef de service a voulu apaiser la situation en lui proposant de prendre une autre barquette de pâtisserie et que l'intéressé a refusé cette proposition en persistant de manière violente à vouloir récupérer celle que son collègue avait en tout état de cause déjà mangé". Compte tenu de la désobéissance dont l’intéressé "a fait preuve et de son absence de maîtrise de soi, l'administration a pu estimer que l'accident dont il avait été victime était détachable du service", ajoute la Cour dans son arrêt [cliquez pour le consulter]. 

Mentir pour sauver ses poissons : une pratique à risque. Tel est le sens de l’arrêt de la Cour administrative de Nancy du 4 février qui a rejeté la requête d’un chef d’équipe mécanique d’une commune du Bas-Rhin qui demandait l’annulation d’un blâme prononcé à son encontre ainsi que le refus de reconnaissance d’imputabilité au service qui lui a été opposé pour un accident dont il dit avoir été victime. Dans le détail, l’intéressé avait été appelé par son épouse, alors qu'il se trouvait sur son lieu de travail, "pour lui signaler que leur bassin d'agrément, qui contenait de nombreux poissons, était en train de se vider". Également sapeur-pompier volontaire, ce chef d’équipe mécanique avait alors décidé de quitter son poste de travail sans solliciter l'autorisation de son supérieur hiérarchique et de se rendre chez lui avec un camion-citerne du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours), accompagné d'un autre sapeur-pompier, "afin de remplir son bassin". Ce qui lui a donc valu un blâme. Trois jours plus tard surtout, l’intéressé à transmis son employeur un certificat médical mentionnant un problème à la main qui, selon lui, serait intervenu en trébuchant sur son lieu de travail, le même jour que son intervention pour sauver ses poissons. "Toutefois, aucun de ses collègues n'a été témoin de sa chute et il est constant qu'il n'a averti son responsable, pourtant présent sur les lieux", que très tard, explique la Cour dans son arrêt [cliquez ici pour consulter]. Par ailleurs ajoute-t-elle, "il ressort des pièces du dossier et notamment de l'attestation établie par l'adjudant du SDIS qui avait accompagné (l’intéressé) à son domicile que ce dernier avait glissé sur une flaque d'eau gelée lors de cette intervention". D’où le refus de la Cour de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident puisque que celui-ci est intervenu lors du remplissage de son bac à poisson. 

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