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Rapport Bassères : la Diese, une super-DRH des cadres sup’ qui n’éclipse pas les ministères

Le rapport élaboré par l’équipe de Jean Bassères – le directeur général de Pôle emploi –, remis le 26 novembre au gouvernement, propose plusieurs axes pour structurer l’action de la future délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese), bâtie à partir de l’actuelle Mission cadres dirigeants.

C’est un exercice d’équilibriste. Dans son rapport consacré à la future délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État – la DRH des cadres supérieurs, qui verra bientôt le jour dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique – et remis au Premier ministre le 26 novembre, la mission conduite par le patron de Pôle emploi, Jean Bassères, tente d’affirmer des ambitions au niveau interministériel (harmonisation, diversification et mobilité, notamment) sans dévitaliser l’échelon ministériel, en somme de ne pas déshabiller Paul pour habiller Jacques.

Elle s’efforce de rassurer les ministères aussi, alors que l’ordonnance du 2 juin dernier a gravé dans le marbre de la loi le principe des lignes de gestion interministérielles. Des règles de droit souples pour les grandes questions RH, communes à tous, là où ces règles sont aujourd’hui l’affaire de chaque ministère. Pourraient figurer, au cœur de ces futures lignes de gestion qui font déjà grincer des dents : l’évaluation, la mobilité, les nominations et la gestion des viviers.

Un fil conducteur se dégage du rapport Bassères : la Diese doit affirmer sa plus-value et sa primauté dans l’animation du réseau des délégations ministérielles pour permettre à ces dernières de monter en gamme et de s’imposer dans leur écosystème à l’aide d’une expertise renforcée. La Diese n’aurait pas vocation à accompagner les 13 000 agents visés par la réforme, mais à définir des process et à s’assurer que les projets et directives sont correctement déployés dans les ministères. Tour d’horizon des principales propositions [cliquez ici pour lire le rapport].  

Les objectifs vus par la mission Bassères. Il s’agit d’apporter “une offre de service et d’accompagnement” aux cadres supérieurs ; de mieux orienter ces derniers dans leurs parcours de carrière, en identifiant leurs possibilités d’évolution, en leur proposant l’alternance de périodes d’engagement très opérationnel et de périodes davantage marquées par la valorisation de leur expertise ; de faciliter les transitions professionnelles au sein du secteur public, mais également vers le secteur privé et constituer le point d’entrée pour celles et ceux qui souhaitent accéder à des emplois au sein de l’encadrement supérieur de l’État depuis l’extérieur. “La Diese doit avant tout permettre de capitaliser sur les dispositifs développés par les services en charge de l’encadrement supérieur des ministères et valoriser les bonnes pratiques ministérielles ; elle doit également être le vecteur de l’harmonisation et de la diffusion de standards de haute qualité à travers notamment la mise à disposition d’outils et de services partagés”, peut-on lire dans le rapport. 

La Diese est créée mais… la DGAFP existe toujours. Sur le plan interministériel, la thématique de l’encadrement supérieur est aujourd’hui suivie à la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), par le bureau de l’encadrement supérieur et des politiques d’encadrement, composé d’une quinzaine d’agents et un peu renforcé voilà quelques années pour dépasser la simple appréhension juridique du sujet. Historiquement, la DGAFP – la DRH de l’État – édicte les textes d’organisation des emplois ou des corps de niveau A+ et assure la tutelle opérationnelle de l’ENA et des instituts régionaux d’administration (IRA). Elle assure aussi un contrôle de légalité des arrêtés de nomination signés par les ministres au travers de ce que l’on appelle le guichet unique : une procédure de validation juridico-financière organisée à deux têtes, avec la direction du budget à Bercy.
Dans la nouvelle configuration, la Diese et la DGAFP “devront définir des modalités d’échange fluides et efficaces, fondées sur une feuille de route partagée, notamment s’agissant de la gestion du corps des administrateurs de l’État dans le cadre du comité technique”, note diplomatiquement le rapport. Les évolutions statutaires et indemnitaires ministérielles ou interministérielles pourraient rester dans le giron de la DGAFP et de la direction du budget (DB), plaide le rapport en préconisant que la Diese reste “associée” à l’élaboration des projets de texte relatifs à l’encadrement supérieur de l’État et qu’elle puisse avoir, pour les plus importants d’entre eux (par exemple en matière d’évaluation), un rôle de maîtrise d’ouvrage. La DGAFP demeurerait compétente pour le dialogue social, auquel la Diese serait là aussi associée, notamment s’agissant des lignes de gestion. La gestion opérationnelle des promotions de grade des administrateurs de l’État, de même que l’organisation du tour extérieur permettant l’accès à ce corps resterait du ressort “exclusif” de la DGAFP. En revanche, la DGAFP perdrait son leadership en matière de tutelle de l’ENA. La mission Bassères propose que la Diese exerce la tutelle stratégique de l’Institut national du service public (INSP) – l’établissement qui va succéder à l’ENA – en tant que cheffe de file des tutelles de l’État. La Diese piloterait les négociations sur le contrat d’objectifs et de moyens de l’INSP et “porterait la voix de l’État dans le cadre des préconseils d’administration et des conseils d’administration” de l’institut, après consultation des autres administrations parties prenantes (direction du budget et DGAFP).

Compétences. “Dans la configuration proposée par la commission, et selon la logique de subsidiarité qu’elle promeut : la stratégie et les grands principes de la gestion des corps (recrutement, mobilité, parité, attractivité, formation) seraient définis par la Diese, en concertation avec les employeurs dans le cadre du comité de pilotage stratégique de l’encadrement supérieur de l’État”, énonce le rapport. Le dialogue stratégique de gestion RH “fournirait un cadre bilatéral d’échange entre le délégué et les SG [secrétaires généraux, ndlr] des ministères, les chefs de corps, auxquels peuvent être associés les chefs des services d’inspection générale”. Sur le terrain, un comité opérationnel, réunissant le directeur de la Diese, ses collaborateurs “chefs de pôle” et le réseau des délégués à l’encadrement supérieur, suivrait, lui, la mise en œuvre des chantiers RH pour l’encadrement supérieur. Ce comité préparerait les comités stratégiques et, en format bilatéral Diese-ministère, les dialogues de gestion annuels. Le rapport suggère aussi qu’un temps de dialogue stratégique de gestion entre le patron de la Diese et chaque secrétaire général ministériel soit institué annuellement. Ce dialogue poursuivrait comme objectifs principaux de suivre et d’évaluer la mise en place des obligations communes (les lignes directrices de gestion interministérielles). Est aussi proposée la publication annuelle “en toute transparence” des résultats du dialogue de gestion dans une démarche d’amélioration continue. Ces publications interviendraient après la présentation des résultats des ministères en Conseil des ministres. Une manière de mettre la pression sur les ministères. La Diese pourrait “contribuer elle-même à renforcer l’accompagnement des cadres supérieurs de l’État, notamment en animant le vivier des cadres dirigeants, le programme de fidélisation et de développement « Hauts potentiels » et également le programme destiné aux femmes cadres dirigeantes”, peut-on aussi lire. La Diese pourrait aussi faciliter le suivi sur toute la durée du parcours, “en développant des accompagnements au retour de mobilités”. 

L’équipe de la Diese. Pour suivre ces chantiers, la mission Bassères propose une équipe de de 22 à 25 équivalents temps plein (ETP), dont les 8 que compte l’actuelle Mission cadres dirigeants, sise au secrétariat général du gouvernement et appelée à s’en émanciper. 

Un rôle d’animation de la communauté RH de l’encadrement supérieur.“Le rôle d’animation du réseau des équipes ministérielles en charge de l’encadrement supérieur apparaît crucial pour que la Diese puisse mener à bien les missions définies supra, notamment s’agissant de l’harmonisation des pratiques d’accompagnement”, note le rapport, qui met l’accent sur un objectif : accompagner la montée en charge des équipes dédiées à la gestion des cadres supérieurs. “La Diese n’a pas vocation à prendre en charge directement la gestion des situations individuelles de cadres rencontrant des difficultés à trouver un poste en dernière partie de carrière, les ministères devant rester responsables de l’accompagnement des parcours de leurs cadres supérieurs”, poursuit le rapport. Et d’ajouter : “La commission considère par ailleurs qu’il serait vain d’attribuer à la seule Diese une mission dont la solution relève de la gestion des carrières dans la durée, et à laquelle les ministères peinent à répondre. Cela emporterait au demeurant le risque de décrédibiliser l’action de la délégation dès ses premiers temps d’existence. En revanche, la Diese devra appuyer les ministères dans la prise en charge de cette question.” Le rapport pousse donc à renforcer les effectifs des délégations de ressources humaines dédiées à l’encadrement supérieur dans les ministères. Il en va de même pour leur positionnement, très différent selon les ministères. “Les délégués à l’encadrement supérieur (DES) devront être positionnés auprès du SG, avec un niveau d’emploi suffisant pour décliner auprès des directions métier, des services déconcentrés et des opérateurs la stratégie RH de l’encadrement supérieur (emploi DAC, à l’exemple de l’Éducation nationale, ou de chef de service)”, explique le rapport. Pour matérialiser le lien qui unit la Diese à ces délégations, le rapport juge nécessaire de nommer les responsables sur avis de la Diese, qui participerait à leur recrutement et à leur processus d’évaluation. Un objectif théorique de cadres supérieurs suivis par un conseiller “mobilité carrière” ministériel pourra être fixé, suggère aussi le rapport.

De nouvelles représentations RH ? “Les carrières ascensionnelles rapides, à des postes d’encadrement au niveau de responsabilité accru, relèvent plus de l’exception que de la règle”, relève le rapport, mais “demeurent pourtant un modèle de référence pour une grande partie des cadres supérieurs”. La commission Bassères estime qu’il faut valoriser d’autres types de parcours, notamment des mobilités horizontales, mais surtout des parcours mêlant positions d’encadrement et fonctions d’expertise (y compris en matière de conduite de projet) ou de réflexion stratégique.

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