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“Un recul inquiétant de la féminisation dans la nouvelle promotion de l’INSP”

La promotion de l’Institut national du service public (INSP, ex-ENA) qui a fait sa rentrée le 1er janvier “ne compte que 34 femmes”, regrette l’association INSP 50-50, qui rassemble des élèves et anciens élèves de l’établissement engagés en faveur de l’égalité des sexes. “Ces chiffres traduisent un net recul par rapport à la dynamique amorcée depuis deux ans”, estime l’association dans cette tribune en pointant une tendance “à rebours des engagements sur l’égalité femmes-hommes dans la haute fonction publique”.

La nouvelle promotion de l’Institut national du service public (INSP) – ex-ENA – vient de faire sa rentrée à Strasbourg : sur les 90 candidats admis, cette promotion ne compte que 34 femmes, soit un taux de féminisation de 37,8 % (augmenté d’un pourcent après le désistement ultérieur d’un élève).

Ces chiffres nous interpellent car ils traduisent un net recul par rapport à la dynamique amorcée depuis deux ans. En effet, avec 43,82 % de femmes, la promotion Guillaume Apollinaire (2022-2023) était la deuxième plus féminisée de l’histoire, derrière la promotion Winston Churchill (2014-2015), qui comptait 44 % de femmes. Malgré une légère baisse, la promotion en cours de scolarité (2023-2024) semblait consolider cette dynamique, avec 41,1 % de femmes admises. Depuis la création de l’école en 1945, deux promotions successives dépassaient ainsi la barre des 40 % de femmes, sans que, pour autant, l’objectif de parité ne soit jamais atteint. 

Mobilisation collective et engagement

La toute récente réforme de la haute fonction publique réaffirmait ses engagements en matière d’égalité femmes-hommes à travers la mise en œuvre d’un plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027). Ce recul de l’objectif de la parité au stade du recrutement des futures cadres doit-il nous inquiéter ? Signe qu’aucune amélioration ne peut être tenue pour acquise, le taux de féminisation en nette régression de la future promotion 2024-2025 rappelle la nécessité d’une mobilisation collective en faveur de la parité. 

Il nous paraît crucial de continuer d’agir en amont, au moment du recrutement par le concours, dans l’optique de la formation d’un vivier de femmes pérenne. Rappelons que si les femmes représentent 57 % des effectifs de la fonction publique d’État, elles ne sont que 42 % à occuper des postes de catégorie A+ (chiffres de 2021).

La scolarité à l’INSP favorise les profils mobiles et sans charge de famille du fait de l’importante mobilité géographique requise.

Les femmes sont toujours moins nombreuses que les hommes à s’inscrire aux épreuves du concours. Cette sous-représentation est en partie due à la persistance du phénomène d’autocensure. L’absence d’un tel vivier s’auto-entretient puisqu’il alimente les stéréotypes genrés liés à la figure du haut fonctionnaire dans l’imaginaire collectif. Si l’on souhaite rompre avec les mécanismes d’autocensure, il faudrait, à l’inverse, rendre visible et normale la présence de femmes à des postes à responsabilité dans l’appareil d'État, afin de créer des modèles de représentation pour les aspirantes au concours. 

Le concours est également moins attractif pour les femmes, notamment chargées de famille : la scolarité à l’INSP favorise les profils mobiles et sans charge de famille du fait de l’importante mobilité géographique requise. Dans ce sens, la nouvelle maquette rallongeant la scolarité de vingt à vingt-quatre mois et multipliant les mobilités géographiques ne nous semble pas aller dans un sens favorable à l’égalité des femmes et des hommes dont le rééquilibrage de la vie personnelle et professionnelle est une donnée importante. L’absence de dispositifs clairs et sécurisants pour les femmes enceintes ou les congés parentaux peuvent de surcroît susciter craintes et interrogations parmi les candidates ou les élèves. 

Rôle positif du mentorat

Cette sous-représentation des femmes à l’inscription au concours n’explique cependant pas tout. Dans les statistiques disponibles sur les sites de l’ENA et l’INSP, le taux de femmes admises est en effet fréquemment inférieur au taux de femmes présentes au début du processus, avec une évaporation de candidates à tous les stades du concours. Une hypothèse serait que les femmes feraient face à une sélectivité plus importante au cours des épreuves, une autre serait qu’elles se décourageraient du fait de biais de genre intériorisés.

Ce constat confirme l’importance des dispositifs de mentorat réservés aux candidates féminines tels que celui déployé par l’association INSP 50-50 : cette année, 300 femmes préparationnaires ont ainsi pu bénéficier d’un accompagnement sur mesure par un élève en scolarité (homme ou femme), dont 50 % des admises de la promotion 2024-2025. De nombreuses initiatives peuvent également être saluées, parmi lesquelles le programme “Talentueuses”, lancé par la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese) et mis en œuvre par l’INSP, qui accompagne les femmes cadres dans leur carrière.

L’atteinte de nos objectifs en termes d’égalité est un défi pour notre haute fonction publique. Elle est toutefois une aspiration partagée par la nouvelle génération de serviteurs de l’État, ce que ne démentent pas les chiffres d’inscription aux concours de la haute fonction publique. Féminiser les viviers de la fonction publique aujourd’hui pour atteindre la parité, c’est s’assurer la représentativité de la société demain mais également assurer l’attractivité d’un État exemplaire, efficace et moderne. 

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