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Le profil des directeurs de cabinet du gouvernement Borne

Âge, genre, études, expériences professionnelles, passages en cabinets ministériels… Acteurs Publics s’est penché sur la carrière des 42 directeurs et directrices de cabinet d’un gouvernement un peu particulier, puisqu’il est la conséquence de la réélection du président de la République Emmanuel Macron. Un privilège rare pour l’exécutif, hors cohabitation, sous la Ve République.    

La Première ministre Elisabeth Borne a choisi l'énarque Aurélien Rousseau (à droite) pour la direction de son cabinet.

Un homme, assez expérimenté, qui a fait l'ENA dans un cas sur deux. Trois mois après l’entrée en fonction de l’équipe Borne, Acteurs publics a voulu établir un portrait-robot du directeur de cabinet moyen du gouvernement d’Élisabeth Borne à partir de l’analyse de leurs CV. S’ils sont issus d’horizons différents, à la fois jeunes ambitieux et vieux briscards de la fonction publique, l’analyse des profils des “dircabs” nommés depuis le début de l’été permet de dégager quelques points principaux sur les serviteurs de l’ombre de nos ministres.    

Le lointain mirage de la parité    

En nommant Élisabeth Borne Première ministre, et en atteignant, en comptant la locataire de Matignon, la parité pour les 42 membres de son gouvernement, le chef de l’État pouvait, à première vue, se targuer d’un bon bilan en matière de répartition genrée de son gouvernement, même si les postes de ministres les plus importants ont globalement échu à des hommes. Derrière les rideaux, la domination masculine est encore plus limpide : au total, ils sont 32 contre seulement 10 femmes. Et l’écart apparait encore plus conséquent pour les ministères de plein exercice : sur 17 postes, trois seulement sont occupés par des femmes. Soit le même chiffre que celui du tout premier gouvernement d’Emmanuel Macron, il y a 5 ans.      

Une fois de plus, aucune femme n’a été choisie pour la direction des cabinets des ministères régaliens – dont un seul, rappelons-le, est occupé par une femme, en l’occurrence Catherine Colonna au Quai d’Orsay. Comme souvent dans les cabinets ministériels, pour trouver des profils féminins, il faut regarder du côté du social. Ainsi, l’ancienne conseillère santé de Jean Castex Carole Bousquet-Bérard exerce aux côtés du nouveau ministre de la Santé François Braun, et Constance Bensussan, conseillère à l’Élysée jusqu’en avril dernier, mène les équipes du ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe. La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a, de son côté, promu son ancienne directrice adjointe de cabinet au ministère délégué chargé de l’Industrie, Mélanie Mégraud.   

On notera aussi la différence d’âge significative entre les hommes (47,5 ans de moyenne) et les femmes (37,3 ans), et la prépondérance de hauts fonctionnaires de carrière expérimentés à la direction du cabinet des principaux ministères. La moyenne d’âge des dircabs’ des 10 premiers ministères de l’ordre protocolaire, tous des hommes, s’élève ainsi à près de 53 ans, contre 43 ans, en comparaison, pour les directeurs de cabinets des ministres délégués et des secrétaires d’État.     

Les anciens collaborateurs ministériels en première ligne     

À l’image de Constance Bensussan, Carole Bousquet-Bérard et Mélanie Mégraud, un point commun revient chez une large majorité de “dircabs” en poste dans le gouvernement actuel. Ils sont 33 sur 42 à avoir déjà évolué dans un cabinet ministériel, dont 17 dans les équipes d’anciens ministres d’Emmanuel Macron. 9 d’entre eux ont déjà occupé un poste de directeur de cabinet par le passé.     

Second quinquennat oblige, on note une prime à la fidélité –, notamment parmi les premiers ministères dans l’ordre protocolaire. À Bercy et à l’Intérieur, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont respectivement renouvelé leur confiance aux expérimentés énarques Bertrand Dumont et Pierre de Bousquet de Florian, tandis que le nouveau ministre des Armées Sébastien Lecornu a emmené dans ses bagages le préfet Philippe Gustin, qui dirigeait déjà son cabinet aux Outre-mer. Seul le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a changé de bras droit, en optant pour le président de section honaire au Conseil d’État Jean-Denis Combrexelle, qui succède à la magistrate Véronique Malbec. 

Les ministres ont changé, mais la continuité est le maître-mot dans plusieurs autres cabinets. C’est le cas à l’Agriculture, où Marc Fesneau a nommé l’ancien directeur de cabinet de Julien Denormandie Fabrice Rigoulet-Roze. Trois jeunes loups conservent, eux, leurs fonctions au sein de ministères délégués : Thomas Godmez a vu se succéder Marc Fesneau, Olivier Véran et Franck Riester aux Relations avec le Parlement, tout comme William Elman, l’ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Moreno à la Diversité, toujours en place chez Isabelle Rome. L’énarque Damien Ientile, lui, accompagne le nouveau ministre délégué aux Comptes Publics Gabriel Attal, après en avoir fait de même aux côtés de son prédécesseur Olivier Dussopt.     

Par ailleurs, l’ancien directeur de cabinet de Jean-Baptiste Djebbari au ministère délégué chargé des Transports, Stéphane Daguin, a cette fois pris la direction du cabinet d’Hervé Berville au secrétariat d’État chargé de la Mer.    

Inébranlables énarques    

Pour la première fois depuis son arrivée à l’Élysée, Emmanuel Macron n’a pas nommé un ancien élève de l’ENA à la tête de Matignon. Après avoir enterré la prestigieuse école d’administration pour créer le nouvel Institut national du service public, il a fait confiance à la polytechnicienne Élisabeth Borne pour compléter le couple exécutif. Néanmoins, les énarques continuent, comme toujours, de peupler les directions de cabinet. Ils sont une nouvelle fois majoritaires, avec 21 anciens de l’ENA sur 42 directeurs de cabinet. L’énarchie accapare ainsi la direction du cabinet de cinq des sept premiers ministères de l’ordre protocolaire, et de 12 des 17 ministères de plein exercice, y compris le premier d’entre eux.     

Parmi ces derniers, dans l’ordre, on retrouve Aurélien Rousseau à Matignon, Bertrand Dumont à Bercy, Pierre de Bousquet de Florian à l’Intérieur, Luis Vassy au ministère des Affaires étrangères, Philippe Gustin aux Armées, Benjamin Maurice au Travail, Fabrice Rigoulet-Roze à l’Agriculture, Emmanuel Marcovitch à la Culture, Carole Bousquet-Bérard à la Santé, Constance Bensussan aux Solidarités, Paul Pény à la Transformation et la Fonction publiques, et Antoine Gobelet aux Sports.    

Les prestigieux corps faiblement représentés, les préfets se taillent une place    

À la tête de ces cabinets, un faible nombre de directeurs de cabinet sont issus des trois “grands” corps de l’État considérés comme les plus prestigieux : la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances et le Conseil d’État. En tout, ils ne sont que cinq à en faire partie : le maître des requêtes au Conseil d’État Aurélien Rousseau à Matignon, les conseillers référendaires à la Cour des comptes Emmanuel Marcovitch à la Culture et Jérôme Brouillet à l’Europe, en plus des inspecteurs des finances de 1ère classe Damien Ientile aux Comptes Publics et Adrienne Brotons à l’Industrie.   

Parmi les 42 directeurs de cabinet, il faut également noter la place occupée par les anciens préfets de département ou de région. 6 sont concernés par cette définition : l’ancien préfet de Haute-Normandie et du Languedoc-Roussillon Pierre de Bousquet de Florian à l’Intérieur, l’ancien préfet de la Guadeloupe Philippe Gustin (Armées), en compagnie de l’ancien préfet de la Charente-Maritime Fabrice Rigoulet-Roze. Les 3 autres ont été recrutés directement en préfecture : celle du Morbihan pour Joël Mathurin (Outre-mer), celle du Pas-de-Calais pour Louis Le Franc (Collectivités territoriales), et celle la Somme pour Muriel Nguyen (Ville).    

Chez les dircabs’, le privé fait moins recette    

Enfin, à contrepied de 2017, quand 5 des 17 directeurs de cabinet des ministères de plein exercice bénéficiaient d’une longue expérience dans le privé, le cru 2022 est fortement estampillé haute fonction publique. Cinq ans plus tard, seuls trois directeurs de cabinet exerçaient dans le privé avant de prendre leurs fonctions, et aucun d’entre eux n’y a passé plus de 5 ans.   

La nouvelle dircab' de Roland Lescure au ministère délégué chargé de l'Industrie, Adrienne Brotons, issue de l'IGF, officiait ainsi depuis 2017 chez Renault, quelques mois après avoir conseillé François Hollande à l’Élysée. Elle est la seule haute fonctionnaire de ce panel, aux côtés de deux non-fonctionnaires, néanmoins habitués de la vie des cabinets.    

Ainsi, la directrice de cabinet d’Olivier Véran au Porte-parolat, Margaux Vecchioli-Bonneau, était, depuis 2021, responsable des affaires publiques de Nestlé France, un poste qu’elle avait pris après un premier passage aux côtés d’Olivier Véran lorsqu’il était ministre de la Santé au cours du précédent quinquennat d’Emmanuel Macron. Antoine Grézaud, directeur de cabinet de Dominique Faure au secrétariat d’État chargé de la Ruralité, évoluait lui depuis 2019 aux fonctions de directeur général de la Fédération du service aux particuliers. Auparavant, il avait notamment été, entre autres, chef de cabinet de Christian Jacob au ministère de la Fonction publique, avant de diriger le cabinet de Dominique Baudis au CSA, à l’Institut du monde arabe puis au Défenseur des droits, puis de rejoindre le cabinet de Jean-Luc Moudenc à la mairie de Toulouse.   

Au-delà de ces trois noms, ce sont, en tout, 8 directeurs de cabinet qui ont fait un saut dans le privé. Des passages aussi anciens – Pierre de Bousquet de Florian, directeur de cabinet de Gérald Darmanin, a officié chez Elf Aquitaine en 1988 – que récents – le directeur de cabinet de Bruno Le Maire, Bertrand Dumont, a passé deux ans comme directeur de la gestion prudentielle de la banque HSBC France entre 2015 et 2017 – mais qui font presque office d’exception au milieu des parcours de la quarantaine de directeurs de cabinet au parcours public quasiment immaculé. 

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Club des acteurs publics

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