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Yannick Jadot : “Nous sommes attachés au modèle d’une fonction publique de statut”

Réforme de l’État, relations des citoyens aux services publics, gestion des ressources humaines, cadre budgétaire… Dans une interview réalisée en partenariat avec le Cercle de la réforme de l’État, le candidat écologiste à l’élection présidentielle, Yannick Jadot, détaille sa vision de l’État et des services publics.

Quelle devrait être pour vous la place de la puissance publique par rapport aux autres acteurs dans la société ? 
Nous voulons un partage réel des pouvoirs dans une République écologique décentralisée. Nous refonderons profondément nos institutions, à tous les niveaux, pour affronter démocratiquement les temps qui viennent et bâtir ensemble une République écologique. La puissance publique doit être régulatrice, accompagnatrice et planificatrice de la transition. Elle doit se servir de son poids financier et humain pour mener à bien des chantiers collectifs. Nous souhaitons que l’État soit le moteur du changement que nous prônons, en coopération avec les collectivités locales, qui connaissent les réalités des territoires et peuvent y répondre de la meilleure façon. Cette coopération, ce dialogue et cet échange vont être étendus aux différents acteurs de la société. La profondeur des changements induits par la transition écologique exige plus que jamais de travailler avec les différentes parties prenantes, et nous porterons cette même méthode dès notre arrivée à l’Élysée. 

La crise sanitaire a renforcé l’État comme acteur central de la puissance publique. Pour vous, est-ce une parenthèse ou en ferez-vous un axe durable ? 
Nous nous opposons à la verticalité de l’État et au jacobinisme de la puissance publique. Cette verticalité a fait preuve de défaillances lors de la crise sanitaire et nous ne voulons plus les reproduire. Nous tenons à l’autonomie des territoires et nous souhaitons que la collaboration entre l’État et les collectivités s’approfondisse. 

Par ailleurs, nous souhaitons protéger l’État de l’influence des puissances de l’argent. Nous adopterons une loi de séparation de l’État et des lobbies afin d’établir davantage de transparence et de restaurer la confiance. Nous avons confiance dans l’expertise des agents publics et nous cantonnerons les cabinets de conseil privés aux seuls domaines où leur expertise est indispensable. 

Pour vous, que devrait être la réforme de l’État ? Parmi les réformes souhaitables dans l’État, lesquelles mèneriez-vous en priorité au cours des cinq prochaines années ? 
Nous voulons donner un nouveau souffle à notre démocratie pour affronter le défi écologique et social auquel nous faisons face. Pour ce faire, nous mettrons en place une grande réforme des institutions de l’État. En parallèle de la convention citoyenne pour le renouveau démocratique que nous voulons mettre en œuvre, nous comptons renforcer la participation citoyenne à l’élaboration des grandes réformes du quinquennat. Les modalités exactes de cette nouvelle participation seront définies avec et par les citoyennes et citoyens lors de cette convention citoyenne inaugurale. 

Les règles de déontologie seront considérablement renforcées, notamment en matière de disponibilités pour convenances personnelles afin de rendre définitifs les départs d’agents publics en direction du privé lucratif.

Comment feriez-vous pour concevoir les réformes à réaliser dans l’État (recours à des experts, « comitologie », consultation citoyenne, consultation des agents publics…) ? 
Il faut tirer les conséquences des impasses actuelles de nos outils de représentation tout en gardant comme boussole l’amélioration du fonctionnement de notre démocratie. Nous mettrons en place dès le début du quinquennat une convention citoyenne du renouveau démocratique, qui aura pour vocation de proposer des mesures pour répondre à la crise de défiance des citoyens à l’égard du système politique actuel. Le débat se fera autour des causes de la désaffection des citoyens à l’égard du système politique et proposera des outils pour répondre à la crise de la participation vécue lors des derniers scrutins. Nous souhaitons par cette démarche envoyer un vrai signal en direction des citoyens et de leur participation à la vie politique sans être prisonnier de mesures très précises ; nous nous engagerons en contrepartie à respecter les décisions qui sortiront de la future convention citoyenne pour le renouveau démocratique. 

À quelles attentes actuelles des citoyens l’État doit-il répondre prioritairement ? 
L’État doit immédiatement répondre à l’atteinte aux droits démocratiques, à l’attaque de l’intérêt général par des intérêts particuliers. Pour cela, nous mettrons en place une grande loi de séparation des lobbies et de l’État pour instaurer une barrière étanche entre le service de l’intérêt général et les intérêts privés. Les règles de déontologie seront considérablement renforcées, notamment en matière de disponibilités pour convenances personnelles afin de rendre définitifs les départs d’agents publics en direction du privé lucratif. Les règles pénales seront réformées pour empêcher qu’anciens ministres, conseillers ministériels, parlementaires, hauts fonctionnaires, mettent les informations dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions au service d’acteurs privés. 

Que feriez-vous pour que l’État soit à même de conduire les grandes transitions ? 
Toutes les expertises (I4CE, The Shift Projet, etc.) nous les rappellent chaque jour : les exigences de la transition nous placent face à un mur d’investissements publics pour les trente prochaines années. Les collectivités locales portent entre 70 et 75 % de l’investissement public. Ce sont elles qui ont la main sur des compétences essentielles comme les transports publics, le développement économique, l’urbanisme et l’aménagement du territoire, l’habitat et le logement, etc. Nous garantirons donc aux collectivités de protéger leur autonomie financière et fiscale en dénonçant les mécanismes type « pacte de Cahors », et les appellerons à adopter à nos côtés des programmes d’investissement ambitieux comme le font déjà, notamment, les exécutifs écologistes. 
Nous mettons en place des mécanismes d’incitation dans lesquels l’État joue un rôle d’effet de levier en préférant les contractualisations aux appels à projets. L’État accompagnera prioritairement les projets ambitieux sur le plan social ou environnemental. En ce sens, nous assumerons une différenciation territoriale avec le prisme écologique et social. 

Comment ferez-vous pour concilier l’aspiration à la différenciation territoriale et l’impératif d’égalité et d’équité ? 
Nous avons conscience du besoin d’équité entre les territoires. Aujourd’hui, les ressources des collectivités locales sont trop illisibles, instables dans le temps, inéquitables entre les territoires. La recentralisation de nombreuses sources de financement par l’État a par ailleurs fortement grevé l’autonomie financière des collectivités locales. Nous souhaitons sceller un accord entre l’État et les territoires autour du financement d’un service public local de qualité, permettant la vision de long terme nécessaire aux choix d’investissement en faveur d’une transition écologique et solidaire. 

Nous souhaitons une réforme globale des ressources locales : réforme de la fiscalité locale, adaptation des ressources à d’éventuels transferts de compétences supplémentaires ou à une nouvelle organisation des territoires, révision des règles de péréquation. Nous réformerons aussi la dotation globale de fonctionnement (DGF) en simplifiant drastiquement son attribution, nous supprimerons notamment le régime de DGF différencié en fonction de la nature juridique de l’intercommunalité, nous utiliserons des mêmes critères que la DGF communale en sus du coefficient d’intégration fiscale. Nous ferons de cet outil la pierre angulaire du contrat de confiance entre les acteurs publics de la transition écologique. Par l’accord sur des objectifs partagés, des engagements complémentaires et les moyens de les atteindre, État et collectivités pourront se projeter avec confiance dans l’avenir au service des habitants des territoires. 

La conditionnalité de la bonification de certaines dotations au respect de nos engagements programmatiques (production d’énergies propres, construction de logements sobres et qualitatifs etc.) représente un levier important pour orienter les comportements, faire évoluer les priorités et mobiliser l’ensemble des acteurs locaux en faveur de la transition énergétique. 

Nous n’appelons pas à un « acte III » de décentralisation, mais plutôt à un approfondissement de la décentralisation dans une triple direction : plus de démocratie, plus de justice territoriale, plus d’écologie.

Comment faut-il, selon vous, réarticuler les politiques territoriales ? Y a-t-il lieu de modifier les compétences ? Si oui, dans quels domaines, selon quels principes de décentralisation ? 
Le paysage territorial n’a pas besoin d’un énième big bang, que ce soit sur la répartition des compétences ou les structures territoriales. La crise a montré que les collectivités avaient su à la fois être réactives et efficaces quand il s’est agi de traiter l’urgence, et dans la remobilisation quand il a fallu préparer la relance. Dès lors, nous n’appelons pas à un « acte III » de décentralisation, mais plutôt à un approfondissement de la décentralisation dans une triple direction : plus de démocratie, plus de justice territoriale, plus d’écologie. Ce principe n’exclut pas que, dans la finesse des politiques publiques prises une à une, certains choix soient faits qui viennent renforcer le rôle et la place des collectivités locales, notamment dans les domaines du logement, de l’énergie ou de la vie étudiante.

Pour ce qui concerne les services de l’État lui-même, apporteriez-vous des changements aux caractéristiques actuelles de la déconcentration ? Aux relations entre autorités déconcentrées et collectivités territoriales ? À la liaison avec les territoires, aux modes de relations et de fonctionnement entre État et territoires ? 
Pour une Présidence écologiste, l’enjeu est double en ce qui concerne les relations entre les services de l’État. Dans un premier temps, nous ne souhaitons pas lancer un gros chantier de déconcentration ou de décentralisation, car nous souhaitons donner la priorité absolue à l’action publique, en tenant compte des organisations existantes. Nous souhaitons plutôt faire confiance à nos collectivités pour gérer leurs territoires. Cependant, nous donnerons plus de moyens aux collectivités pour recruter et avoir, ainsi, plus de moyens techniques et humains pour mener à bien leurs actions. Nous souhaitons, plus généralement, développer les modes de gestion partagés entre État et collectivités : c’est le sens de notre proposition de création d’un fonds de soutien aux mutations industrielles et aux relocalisations qui serait coabondé par l’État et les conseils régionaux, et cogéré avec ces derniers. Enfin, nous ne pouvons nous satisfaire de chefs de file de l’État au niveau déconcentré qui n’ont pas la compétence et l’expérience nécessaires pour mener à bien les nombreux chantiers de la transition écologique. Nous avons besoin de professionnels de l’action locale et du partenariat avec les collectivités locales. Nous recréerons donc le corps préfectoral, que nous rattacherons au Premier ministre.

Que feriez-vous pour améliorer la capacité d’anticipation et de prospective de l’État pour prévenir les crises sociales, sanitaires et écologiques notamment, et y faire face ? 
Pour améliorer notre capacité d’anticipation, nous mettrons en place un plan pluriannuel de gestion des crises, débattu au Parlement à échéances régulières. Nous renforcerons les moyens consacrés à la gestion des crises et des risques environnementaux en France en les portant à 1 milliard d’euros par an (contre 500 millions d’euros aujourd’hui) : nous renforcerons les moyens humains et matériels, en développant de nouveaux outils technologiques, comme une application d’alerte aux populations. Nous réformerons le régime assurantiel des catastrophes naturelles, notamment en renforçant la participation du secteur public en complément du régime assurantiel privé.

Nous mettrons fin à l’imperméabilisation, l’artificialisation et l’appauvrissement des sols. Nous renforcerons les normes liées à la construction pour mieux intégrer l’adaptation au changement climatique dans la planification et la conception des bâtiments. Nous mettrons en place, en zones inondables, un diagnostic obligatoire de vulnérabilité aux inondations pour les ventes ou les locations pour valoriser les efforts de réduction de vulnérabilité. Nous développerons la végétalisation dans le domaine du bâti, en concertation avec les acteurs locaux, en établissant des seuils minimum. Nous mettrons en œuvre un plan « canicule » qui aura pour objectif de minimiser l’exposition en étendant les systèmes d’alerte aux phénomènes moins intenses et d’agir sur la vulnérabilité en luttant plus activement contre l’isolement social en amont (mise à jour annuelle des registres locaux des personnes vulnérables en cas d’alerte) et en mettant en place des dispositifs de protection spécifiques dans les espaces collectifs. La mise en œuvre de ces mesures sera faite en concertation avec les autorités locales, et sera adaptée aux spécificités des territoires. Nous créerons une journée nationale de prévention des catastrophes naturelles afin de former l’ensemble des citoyens dans le cadre d’exercices annuels obligatoires de sécurité civile, en matière nucléaire, d’inondation ou de feux de forêt. Nous créerons une Garde nationale environnementale. 

Que ferez-vous pour assurer la proximité des services publics pour leurs usagers, et dans leur diversité ? 
Nous restaurerons la capacité d’action et de prévision des services publics en mettant un terme à leur externalisation. Nous innoverons pour des services publics au plus près des usager(ère)s et de leurs attentes en assurant l’accessibilité aux personnes en précarité, éloignées géographiquement ou par la fracture numérique. Des observatoires citoyens de la qualité du service public rassembleront usager(ère)s, agent(e)s publics, élu(e)s, pour identifier les réussites et difficultés et coconstruire les améliorations. Nous remettrons des services publics dans les campagnes, au plus près des habitant(e)s. Nous organiserons des transports qui permettent de réduire la place de la voiture individuelle au profit de transports collectifs propres, pratiques et permettant un accès de toutes et tous à l’emploi et aux services. Nous permettrons que l’activité économique s’installe partout sur le territoire, parce qu’elle y trouvera les infrastructures de communication et de transport nécessaires à son développement.

Peut-on produire la norme différemment : le triptyque gouvernement-Conseil d’État-Parlement fonctionne-t-il correctement ? 
Actuellement, ce triptyque ne fonctionne pas bien. Nous en voulons pour cause l’accaparement progressif du pouvoir par l’exécutif, en la personne du président de la République. À travers les décennies, les Présidents ont soumis le Parlement et par là-même, mis à mal l’indispensable équilibre démocratique des pouvoirs. Pour répondre à cette crise, nous réaffirmerons le bicamérisme de notre démocratie tout en faisant de la deuxième chambre une nouvelle force de représentation des territoires. 

Nous procéderons, dans les cent jours de notre arrivée, à une revalorisation du point d’indice qui sera le préalable à l’ouverture d’une conférence sociale sur l’attractivité de la fonction publique, les salaires et les conditions de travail.

Face à une société et des entreprises qui réclament autant de la norme qu’elles la rejettent, que feriez-vous pour la simplification et pour qu’elle ne demeure pas ponctuelle ? 
Il faut rassurer les acteur(trice)s avec un plan de réformes à échéances claires. S’ils et elles savent à l’avance quelles normes il faudra suivre dans un, deux ou trois ans, les acteurs et les actrices de l’économie pourront s’adapter sans que cela ne cause d’onde de choc. 

Doit-on aller plus loin dans la numérisation des services publics ? Faut-il donner la priorité à l’humanisation et comment ?
Il faut aller plus loin pour rendre plus efficaces et rapides les services publics, mais à deux conditions. La première est celle de la sobriété numérique : il faut des équipements qui durent, du hardware et du software écoconçus. La seconde condition est une garantie : nous devons rendre obligatoire l’alternative papier-humain aux démarches numériques, pour favoriser l’inclusion des citoyens se retrouvant en situation de fracture ou d’illettrisme numérique. 

La décision publique est de plus en plus contestée et incomprise. Que ferez-vous pour inverser la tendance ? 
Il faut redémocratiser la prise de décision. Cela sera l’objectif de notre convention citoyenne sur le renouveau démocratique. Cette Commission aura pour vocation de proposer des mesures pour répondre à la crise de défiance des citoyens à l’égard du système politique actuel. 

Faut-il revoir le temps de travail des agents publics ? 
Que l’on travaille dans le privé ou dans le public, nous réduirons le temps de travail tout au long de la vie : travailler moins pour vivre mieux et travailler moins à des moments de vie choisis (congé sabbatique, congé parental, formation, engagement associatif, volonté de temps partiel). Nous lancerons une convention citoyenne sur la question des temps de travail pour préparer une négociation interprofessionnelle sur la réduction des temps de travail tout au long de la vie avec la mise en place généralisée de comptes épargne-temps – à mobiliser en fonction de ses choix et de ses contraintes, en s’adaptant aux désirs et à la réalité. Nous relancerons la négociation sur la réduction du temps de travail, avec l’objectif qu’elle puisse être déclinée, en fonction des entreprises, selon les meilleures modalités adaptées à chacune : 32 heures lissables sur une année, annualisation du temps de travail, semaine de 4 jours… 

Les syndicats ont perdu beaucoup de leur influence. Le dialogue social doit-il entrer dans une relation essentiellement directe entre employeurs et agents publics ? 
Non. Le rôle des corps intermédiaires de manière générale, et des syndicats en particulier, est essentiel à l’équilibre des rapports de force et au fonctionnement démocratique du travail.

Voulez-vous modifier l’équilibre actuel entre fonctionnaires et contractuels ? Quantitativement ? Quant aux responsabilités ? Quant aux expertises ? Dans quels domaines ? La dualisation de la fonction publique (statut-contrat) constitue-t-elle un modèle probant sur le long terme ou induit-elle un modèle à plusieurs vitesses ? 
Notre position est très claire : nous sommes attachés au modèle d’une fonction publique de statut. Il s’agit là d’une garantie démocratique et méritocratique. Tous les emplois permanents de la fonction publique ont donc vocation à être pourvus par des agents titulaires recrutés par voie de concours. L’existence de personnels contractuels dans nos fonctions publiques est possible pour autant que le principe général ci-dessus est respecté. Nous reviendrons donc sur les hypothèses d’élargissement ouvertes par la loi de transformation de la fonction publique qui sont, dans la pratique, autant de facteurs de rigidité tant il est difficile de faire évoluer de façon dynamique les carrières de personnels placés sous des statuts différents pour des métiers identiques. Plus généralement, nous mettrons fin à la précarisation qui a lieu dans des secteurs entiers de notre fonction publique en mettant fin au court-termisme, notamment dans les secteurs de l’enseignement et de la recherche. 

Quels seront vos axes majeurs pour améliorer la confiance entre l’État employeur et ses agents et que ferez-vous concrètement ? 
Nous voulons donner de la stabilité et de la sûreté aux personnes travaillant pour l’État. En ce sens, notre État employeur évitera l’utilisation des CDD au profit des ouvertures de postes de titulaires et, quand c’est impossible, aux CDI. Nous revaloriserons aussi les catégories B et C. Nous procéderons, dans les cent jours de notre arrivée, à une revalorisation du point d’indice qui sera le préalable à l’ouverture d’une conférence sociale sur l’attractivité de la fonction publique, les salaires et les conditions de travail. 

Nous recréerons un corps diplomatique et un corps préfectoral, ce dernier devant être rattaché au Premier ministre en raison de sa nature interministérielle.

Sur le sujet de la réforme de la haute fonction publique qui a été engagée, quelles seront vos orientations et les étapes que vous voudrez franchir rapidement ? Plus globalement, que ferez-vous en matière de gestion des ressources humaines pour la haute fonction publique ? 
Nous sommes attachés au bon fonctionnement de nos institutions publiques, qui mènent leurs actions en partie grâce à la haute fonction publique. Notre enjeu principal est donc d’assurer la continuité et le bon fonctionnement de l’État. Nous veillerons à ce que la réforme en cours, qui est déjà largement mise en œuvre, soit mise au service d’une fonction publique plus efficace, plus démocratique et plus écologique. Nous ne remettrons pas en cause le statut des administrateurs de l’État, qui n’est finalement qu’un nouveau nom donné aux administrateurs civils. En revanche, nous savons qu’un État ne peut agir efficacement que si ses fonctions les plus spécialisées sont remplies par des personnels compétents et expérimentés. C’est pourquoi nous recréerons un corps diplomatique et un corps préfectoral, ce dernier devant être rattaché au Premier ministre en raison de sa nature interministérielle. Nous assurerons enfin que les procédures de recrutement des deux cours suprêmes que sont la Cour des comptes et le Conseil d’État retrouvent les garanties d’indépendance et d’impartialité que les réformes Macron ont supprimées. Nous mettrons l’accent sur la formation initiale et continue de tous les hauts fonctionnaires aux enjeux de la transition : trop souvent, l’inertie que nous constatons tous vient de l’ignorance des enjeux liés à la lutte contre le dérèglement climatique et l’extinction du vivant par ceux-là même qui sont censés la conduire ! 

Enfin, la haute fonction publique est un miroir de notre élitisme républicain. Sans revenir sur la clé de voûte de son accès méritocratique, nous allons la déparisianiser et la « dé-sciencespo-iser » : nous veillerons à ce qu’il existe dans toutes les régions de France des cycles préparatoires de très haut niveau aux concours de la haute fonction publique, ouverts aux titulaires de diplômes universitaires afin de rendre leur accès plus représentatif de la diversité territoriale, intellectuelle et sociale de la société française. 

Quelles mesures prendrez-vous pour redresser l’attractivité des trois fonctions publiques ? 
Au-delà de notre lutte contre le lobbying et des luttes contre le pantouflage, nous donnerons les moyens à la fonction publique pour exercer pleinement ses fonctions dans des conditions dignes pour toutes et tous et procèderons à des revalorisations ciblées. Nous pensons que l’enjeu principal est celui du sens : qu’y a-t-il de plus motivant que de devenir acteur de la République écologique que nous mettrons en place !

Compte tenu des contraintes budgétaires des prochaines années, dans quel cadrage budgétaire inscririez-vous le rôle de l’État et sa réforme ? 
Les caractéristiques budgétaires de notre projet sont : l’importance du poids des investissements (25 milliards d’euros par an), financés par des emprunts verts ; la dépense publique assumée sur 3 axes majeurs : lutte contre la pauvreté et augmentation des prestations sociales, renforcement des services publics, accompagnement des secteurs économiques touchés par la transition (70 milliards d’euros par an) ; une fiscalité importante sur les hauts patrimoines et les hauts revenus, ainsi que sur les entreprises, qui finance la justice sociale et la restauration des services publics (70 milliards d’euros par an).

Nous assumons une augmentation de la sphère des politiques publiques très largement supérieure à ce qui est proposé actuellement. Nous considérons que la dette budgétaire est un moindre mal par rapport au risque de prise de retard sur les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique. Dans ce cadre, cet endettement doit être considéré comme un investissement à long terme. 

Comment jugez-vous le niveau actuel de la dépense publique par rapport au PIB ? 
Il est élevé, mais cela correspond à un choix collectif de mise en commun d’un grand nombre d’activités afin de les ouvrir au plus grand nombre. La question est : comment dépense-t-on l’argent public ? En l’occurrence, il y a de moins en moins de moyens pour les services publics essentiels, et toujours autant d’aides publiques à de grandes entreprises, des niches fiscales, des investissements climaticides. Il faut que ces dépenses cessent et que les capitaux soient réorientés pour le bien commun. Actuellement, la logique d’investissement du gouvernement est de réparer des erreurs au lieu d’investir et de prévoir. Par exemple, le gouvernement a dépensé 15 milliards d’euros sur les factures et les chèques énergie : c’est plus que l’investissement sur la rénovation thermique, ce qui est une aberration au regard de l’usage rationnel des deniers publics. 

Nous investirons 25 milliards d’euros par an dans les infrastructures de la transition écologique afin d’améliorer leur efficacité, de les moderniser et de les rendre accessibles au plus grand nombre.

Que prévoyez-vous pour la gestion de l’endettement de l’État ? 
Le projet écologiste porte une vision de transformation de la société qui implique une action résolue de tous les échelons de l’intervention publique, depuis l’Europe jusqu’aux collectivités locales. C’est un projet équilibré et budgétairement soutenable. Nos ambitions en matière de soutien aux services publics, de santé, de protection sociale, d’accompagnement de la transition et de lutte contre la pauvreté sont entièrement autofinancées par la réorientation de dépenses existantes et le recours à une fiscalité juste. La dette que nous souscrirons ne visera qu’à investir sur les infrastructures d’une société décarbonée, elle sera sortie des modalités de calcul de la dette à l’échelle européenne. 

Nous investirons 25 milliards d’euros par an dans les infrastructures de la transition écologique afin d’améliorer leur efficacité, de les moderniser et de les rendre accessibles au plus grand nombre, et dans la préparation de la société au réchauffement climatique. Nous mettrons en place un plan d’investissement pour une transition écologique juste qui se concrétisera selon 5 axes : 
-    une priorité absolue donnée à la performance énergétique, à travers les travaux conduits sur des bâtiments publics, la relance de la construction dans le parc social et les dispositifs massifs de soutien à la rénovation globale des logements dans le parc privé ; 
-    la mobilité durable, qui repose sur le développement des transports en commun en milieu urbain et l’investissement dans les infrastructures ferroviaires et cyclables. Nous soutiendrons également l’émergence d’une filière française du véhicule électrique ; 
-    la transition du secteur de l’énergie vers un modèle 100 % énergies renouvelables. Cette dernière supposera de développer massivement les infrastructures de production d’énergie renouvelable, mais également, pour ce quinquennat, de continuer à faire fonctionner dans des conditions de sécurité satisfaisantes les centrales nucléaires existantes ; 
-    l’adaptation de notre société à la hausse des températures à hauteur de 1,5 degré, dont les conséquences sur nos modes de vie seront déjà importantes ; 
-    une fiscalité qui protège les plus démunis et accentue la contribution des plus riches. Nous utiliserons le levier fiscal pour réparer le modèle social français, marqué par l’explosion des inégalités. Nous créerons un ISF climatique, dont les taux seront modulés en fonction d’un bonus-malus qui tiendra compte de la nature des actifs détenus. L’impôt sur le revenu et la fiscalité des successions seront rendus plus progressifs pour que chacun contribue réellement selon ses capacités. La TVA sera modulée pour soutenir les filières socialement et écologiquement responsables, et sanctionner les autres. Enfin, les impôts sur la production seront rétablis à leur niveau d’avant la crise Covid. 

Nous accompagnerons les secteurs économiques touchés par la transition. De nombreux dispositifs publics viennent encourager des pratiques incompatibles avec nos objectifs climatiques : ils seront stoppés, et remplacés par des dispositifs d’accompagnement des secteurs concernés pour effectuer les changements indispensables de leurs modèles économiques. 

Qu’est pour vous la performance publique ? Modifieriez-vous la manière dont elle est appréhendée et mesurée dans la procédure budgétaire et dont les administrations doivent en rendre compte (programmes et rapports annuels de performance) ? La mesure de la performance doit-elle être budgétaire ou centrée sur l’usager ? 
La performance publique ne sera plus mesurée uniquement avec le PIB. Lorsqu’il y a un accident de la route, la réparation de la chaussée et du véhicule ou les frais médicaux éventuels font gonfler le PIB. Pour autant, les accidents ne sont pas collectivement souhaitables. Cela va de soi : le PIB n’est pas un indicateur idéal pour déterminer l’efficacité d’une politique publique. Nous évaluerons donc l’action publique à l’aune de 10 indicateurs-clés : emploi, inégalités de revenus, réduction de la pauvreté en conditions de vie, empreinte carbone, artificialisation des sols, espérance de vie en bonne santé, taux de décrochage scolaire, satisfaction, endettement et patrimoine public.

 

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Club des acteurs publics

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