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Christian Grolier (FO) “Le logement est un poste de dépenses très élevé dans le quotidien des agents”

À quelques jours de l’ouverture des élections professionnelles dans la fonction publique, Acteurs publics est allé à la rencontre des représentants syndicaux pour prendre le pouls d’un événement qui revêt de nombreux enjeux et pour lequel la participation reste la grande inconnue.

Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous à l’approche des élections professionnelles de décembre ?
Nous sommes dans un état d’esprit positif et constructif malgré tous les écueils que l’administration a pu mettre en face de nous. Nous faisons le maximum pour que les agents puissent participer. Le vote électronique quasi généralisé, de nouvelles instances pas assez connues et qui n’ont pas les mêmes appellations d’un versant à l’autre compliquent beaucoup les choses. D’un point de vue pratique, sur la mise en place du vote électronique, nous avons constaté quelques dysfonctionnements. Dans certains cas, les mots de passe pour voter ont été envoyés par courrier au nom de jeune fille des agents. Noms qui ne figurent pas forcément sur la boîte aux lettres…

La participation représente un enjeu de taille cette année. Elle est passée sous la barre des 50 % pour la première fois en 2018. Quelles seraient les conséquences d’une participation encore en baisse cette année ? Ne serait-ce pas un mauvais signal pour le dialogue social ?
D’une manière générale, nous redoutons une forte baisse de la participation. D’autres conséquences sont à craindre sur les résultats, et notamment après l’avis émis par la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) qui remet en cause l’extraction des fichiers de votants chaque soir, alors qu’il ne s’agit que des noms et prénoms. Cela complique le suivi des électeurs, surtout au sein des grandes administrations.

La participation observée en 2018 ne peut qu’interroger sur l’avenir du dialogue social dans la fonction publique et sur la légitimité des organisations syndicales à porter les revendications du personnel. Preuve en sont les faibles taux de grévistes enregistrés lors des derniers appels à la mobilisation. Vos syndicats doivent-ils revoir leurs moyens et méthodes d’action ?
Nous essayons d’organiser au mieux nos actions, cela veut dire que nous mobilisons plus de monde dans les syndicats sur les périodes de vote. Nous adoptons une organisation quasi militaire pour que, dans chaque section, une personne puisse suivre le déroulé du scrutin. Mais la sécurisation reste un vrai souci.

Ne craignez-vous pas une baisse de la participation du fait notamment de la réduction du champ de compétences des commissions administratives paritaires (CAP) ? Votre action au sein de ces commissions était en effet jusqu’à ce jour l’un des principaux motifs d’adhésion des agents publics à vos organisations syndicales…
On ne peut pas l’exclure. L’agent public qui se tournait vers les syndicats le faisait souvent parce qu’il avait un problème ou alors dans le cadre d’une évolution de carrière. Les thèmes de l’avancement et de la mobilité ont disparu du champ d’action des commissions administratives paritaires. Un agent qui a connaissance de cette situation peut se demander à quoi sert de voter, effectivement. Mais tous les agents savent que lorsqu’ils nous sollicitent pour une problématique individuelle, nous n’avons jamais attendu la prochaine CAP pour échanger avec la hiérarchie, notamment pour les dossiers sensibles. Par exemple, dans le cas d’agents lésés notamment pour des promotions, il y a toujours un rendez-vous préalable avec le chef de service.

La revalorisation de 3,5 % du point d’indice n’est pas suffisante.

Quel regard portez-vous sur l’état du dialogue social dans la fonction publique aujourd’hui ?
Il s’est considérablement amélioré sur la fin du premier mandat d’Emmanuel Macron et le mouvement s’est poursuivi avec Amélie de Montchalin, grâce à laquelle il y a eu de réelles avancées. Aujourd’hui, Stanislas Guerini ne démontre pas une activité importante en matière de dialogue social. On sent, ces derniers temps, qu’on a régressé, mais c’est peut-être la période électorale qui veut cela.

Un chantier sur les carrières et les rémunérations sera lancé en 2023. Qu’en attendez-vous ? Quelles sont revendications à ce propos ?
Notre revendication est double. Tout d’abord, une augmentation immédiate du point d’indice. L’inflation est galopante et va atteindre 6,2 % sur une année glissante, la revalorisation de 3,5 % n’est pas suffisante. La revalorisation doit porter sur le traitement indiciaire et pas sur les primes, qui représentent pourtant une part de plus en plus importante dans la rémunération des fonctionnaires, mais qui, entre autres, échappent au calcul de la retraite.

Le gouvernement souhaite mettre en place des accélérateurs de carrière et développer la rémunération au mérite. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Ce n’est pas notre sujet. Le sujet, c’est le point d’indice et les carrières. Quand tout le monde sera rémunéré correctement, on pourra se pencher sur ces questions.

Nous fondons beaucoup d’espoirs sur un État employeur qui participe de plus en plus, comme sur le modèle du privé, à la construction de logements sociaux et logements intermédiaires.

Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a fait de l’attractivité l’une de ses priorités. Ce renforcement de l’attractivité de la fonction publique passe-t-il nécessairement par la rémunération ? Ou par quoi d’autre ?
La rémunération est forcément un facteur d’attractivité, mais d’autres éléments qui entourent le salaire sont tout aussi importants, comme le logement, la restauration collective, la possibilité de bénéficier de places en crèche. Autant d’éléments qui deviennent de plus en plus importants pour les jeunes fonctionnaires. On sait que le ministre veut lancer, en 2023, un très grand chantier sur le logement et nous fondons beaucoup d’espoirs sur un État employeur qui participe de plus en plus, comme sur le modèle du privé, à la construction de logements sociaux et logements intermédiaires. Le logement est un poste de dépenses très élevé dans le quotidien des agents.

Quel regard portez-vous sur l’accroissement de la place prise par les contractuels dans la fonction publique ? Faut-il davantage réguler le recours aux contractuels ?
L’emploi pérenne doit être occupé par un titulaire. On dénombre actuellement un peu plus d’1 million de contractuels sur les 3 versants. Notre priorité est d’obtenir un plan de titularisation et de résorption de l’emploi précaire. Le recours de plus en plus fréquent aux contractuels crée des inégalités de traitement très importantes. Il est évident que nous souhaitons que les droits des fonctionnaires progressent et que les contractuels bénéficient des mêmes avancées.

Quelles sont vos propositions s’agissant de l’égalité professionnelle hommes-femmes dans la fonction publique ?
On a toujours été attachés à ce qu’il n’y ait pas de différence entre les catégories. Si l’on veut évoquer le sujet de l’égalité professionnelle, il faut revaloriser toutes les catégories et dans les corps très féminisés, ne pas mettre de grille qui soit une sorte d’entre-deux. Pour progresser sur cette question, il faut également travailler sur des horaires de travail décents, ne plus organiser de réunions à 19 heures et être capable de mettre en place une action sociale de proximité qui permette de travailler en toute sérénité.

Quel bilan tirez-vous du recours au télétravail dans la fonction publique, accentué durant la crise sanitaire et développé depuis ? Et quelles pistes voyez-vous pour la suite ?
Le bilan que l’on dresse est plutôt positif. Nous commençons néanmoins à être inquiets quant aux conséquences du plan de sobriété énergétique. Certains ministères auraient l’idée d’imposer des jours de télétravail obligatoires pour pouvoir fermer des bâtiments et faire des économies d’énergie. Le télétravail doit se mettre en place sur la base du volontariat et doit être réversible. Il faut être extrêmement vigilant sur ces points.

Propos recueillis par Marie Malaterre

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