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La réforme des instances de dialogue social n’a pas encore fait ses preuves

Alors que l’élection présidentielle approche à grand pas, la rédaction d’Acteurs publics fait le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron. Focus aujourd’hui sur la réforme des instances de dialogue social de la fonction publique et plus précisément sur le recentrage – et la réduction induite – des attributions des commissions administratives paritaires (CAP). 

Chi va piano va sano. La révolution RH induite par la réforme des instances de dialogue social vient à peine de se mettre en marche dans la fonction publique. Si dès le début de son mandat, Emmanuel Macron n’a jamais caché son souhait de simplifier les instances de dialogue social du secteur privé, le flou demeurait néanmoins côté public. Juste avant son élection à la présidence de la République, le candidat avait toutefois donné dans nos colonnes quelques détails sur ses intentions. Objectif : assouplir la gestion des ressources humaines dans la fonction publique.  

“Le dialogue social doit être exemplaire au sein du service public, soulignait alors Emmanuel Macron. Il doit concilier des objectifs de concertation, de représentativité et d’efficacité. L’organisation des commissions administratives paritaires (CAP) est perfectible à cet égard. Je suis favorable à un recentrage progressif du dialogue social sur les questions d’intérêt collectif, plutôt que sur les questions individuelles.”

Le “coupable” était alors déjà tout trouvé : les commissions administratives paritaires (CAP), ces instances systématiquement consultées pour chaque promotion, avancement, mutation ou mobilité… jusqu’à la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Leur modèle était toutefois déjà en sursis depuis plusieurs années. 

Recentrage des compétences

Dans la droite ligne des réflexions engagées dans le cadre du programme “Action publique 2022”, cette loi est en effet venue bousculer ce qui était un véritable totem pour les syndicats de la fonction publique, eux qui se sont construits autour de la défense des situations individuelles, et donc des CAP. Pour certains, l’action de ces commissions était même l’une des principales motivations de participation aux élections professionnelles. 

La loi de 2019 a ainsi recentré les attributions des CAP sur les décisions individuelles considérées comme défavorables. Ces commissions ont été, de cette manière, transformées en structures d’appel, en quelque sorte, puisqu’elles n’ont désormais plus de compétences sur les mutations, les mobilités, les promotions et les avancements des agents publics. Et ce au sein des trois versants de la fonction publique.

Comme pour compenser la réduction drastique des compétences des CAP et offrir des garanties aux agents publics sur leur carrière, l’exécutif a toutefois décidé d’instaurer en contrepartie des lignes directrices de gestion (LDG) au sein de chaque administration. Des lignes directrices qui définissent leur stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, leurs orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels ou encore de mobilité. Une confirmation de l’utilisation croissante du droit “souple” au sein du secteur public comme du secteur privé. 

Gestion RH plus qualitative 

Le dialogue social est-il pour autant devenu “plus efficace” avec ce recentrage des CAP, comme l’avait promis le gouvernement au travers de la loi de 2019 ? L’assouplissement des processus et procédures et le gain de temps correspondant est, sans surprise, mis en avant au sein des services RH des administrations, le tout induisant un repositionnement des équipes gestionnaires vers une gestion plus qualitative de la gestion des ressources humaines. 

Difficile, néanmoins, de mesurer les économies issues de cette révision des compétences des CAP. L’exécutif ne s’en était pas caché dans son étude d’impact de sa réforme de 2019 : cette réduction des compétences “devrait se traduire par un impact budgétaire positif pour les finances publiques”. Sur les économies potentiellement tirées de la non-mobilisation d’agents à la gestion administrative des CAP, l’étude indiquait par exemple que “si l’on part du principe que 10 agents sont mobilisés à temps plein durant un mois, cela représente des économies d’ETPT de l’ordre de 40 000 euros brut par ministère”. 

Si les gestionnaires mettent donc en avant une fluidification des processus RH, la réforme des CAP implique de repenser la gestion RH dans son ensemble. Ce qui monte doucement en puissance avec les lignes directrices de gestion. “Les modifications intervenues induisent de repenser les modalités concrètes du dialogue social avec un calendrier social et une meilleure régularité des réunions tout en responsabilisant mieux les employeurs, explique Emmanuel Gros, directeur général des services (DGS) de la ville de Vannes (Morbihan) et premier vice-président du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT). Ce dialogue ne peut et ne pourra qu’être bénéfique à la gestion RH. Il imposera aux employeurs de mieux formaliser les lignes directrices de gestion.” 

“Remettre de l’humain dans les relations professionnelles”

Au-delà, le recentrage des missions des CAP présente un autre écueil, selon les parties prenantes, celui du manque de transparence malgré la mise en place de lignes directrices de gestion. Un constat partagé par certains au sein des administrations, mais aussi, évidemment, par les syndicats, qui étaient tous opposés à la réforme de 2019. Des organisations syndicales qui trouvent “simpliste” l’argument de la fluidification avancé par l’exécutif. Et d’appeler à remettre de l’humain dans les relations professionnelles. “Il convient de replacer l’humain au cœur des transformations”, souligne ainsi Nathalie Makarski, de la CFE-CGC.

Les constats des représentants du personnel sont en effet très critiques. “C’est une catastrophe, affirme en ce sens Benoit Teste, de la FSU. La réforme ôte toute transparence dans les actes de gestion sans amener plus de fluidité. […] La légitimisation des décisions n’existe plus et met tout le monde en tension.” 

“Ce qui nous inquiète, ce sont les garanties de transparence à apporter aux agents, ajoute Mylène Jacquot, de la CFDT. Et là, il y a clairement un risque pour les employeurs. Dès lors que les déroulements de carrières ne seraient plus que de leur bon vouloir, la dégradation des ambiances au sein des collectifs peut devenir un vrai problème.” Pascal Kessler, de la FA-FP, évoque aussi des “tensions au sein des collectifs de travail” et un “sentiment de favoritisme” donné par la suppression de l’avis des CAP sur plusieurs questions individuelles.  

Tous les acteurs en conviennent toutefois, l’amélioration du dialogue social passera par le renforcement de la négociation d’accords collectifs. “Cela permet de placer le travail au cœur des discussions et d’avancer ensemble, représentants des employeurs et des personnels, souligne Mathilde Icard, la présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités. Le dialogue social pourra dès lors être rendu plus fluide.” Pour rappel, une ordonnance de février 2021 encourage la négociation de tels accords collectifs. Une ordonnance prise sur le fondement de la désormais fameuse loi de 2019, dont les effets concrets sont toujours attendus. 

Fusion en vue des CT et CHSCT 
C’est le bouleversement de taille prévu par la loi du 6 août 2019 en matière de simplification du paysage des instances de dialogue social de la fonction publique. Les actuels comités techniques (CT) et comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) vont être fusionnés en une instance unique, les comités sociaux. Ces nouvelles instances seront installées à l’issue des élections professionnelles de décembre prochain. L’exécutif a pour objectif, avec la mise en place de ces comités sociaux, de “dépasser les seuls enjeux de gestion statutaire des agents publics pour renforcer la prise en compte des enjeux relatifs au collectif de travail”. Certains, en particulier les syndicats, s’inquiètent néanmoins de l’importance qui sera donnée demain, au sein de ces comités, aux questions traitées aujourd’hui par les CHSCT. Pour compenser leur suppression, des “formations spécialisées” en santé, sécurité et conditions de travail pourront être instituées au sein de ces comités [cliquez ici pour consulter notre article sur le sujet].

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Club des acteurs publics

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